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La communication de données à des partis politiques par le Contrôle des habitants des communes vaudoises

Livio di Tria et Kastriot Lubishtani, le 14 avril 2023
Les élec­tions fédé­rales de 2023 ont lieu le 22 octobre 2023. Afin de favo­ri­ser le débat démo­cra­tique, les citoyens et citoyennes du canton de Vaud pour­raient rece­voir des partis poli­tiques de la publi­cité poli­tique au sein de leur boîte aux lettres. Une pratique peu connue, mais licite, repo­sant sur une commu­ni­ca­tion du Contrôle des habi­tants aux partis poli­tiques vaudois.

Contrôle des habi­tants et commu­ni­ca­tion de données entre autorités 

Le Contrôle des habi­tants des communes (le Contrôle des habi­tants) a pour tâche d’enregistrer les données des habi­tants, ainsi que les arri­vées, les départs et toutes les muta­tions confor­mé­ment à la Loi fédé­rale du 23 juin 2006 sur l’harmonisation de registres (LHR ; RS 431.02). Pour ce faire, chaque Contrôle des habi­tants tient un registre dans lequel figure au mini­mum les données listées à l’art. 6 LHR, telles que l’adresse, la date de nais­sance, les lieux d’origine, le sexe, l’état civil, mais aussi l’appartenance à une commu­nauté reli­gieuse ou encore le droit de vote et l’éligibilité aux niveaux fédé­ral, canto­nal et commu­nal. Le registre des habi­tants se doit d’être la photo­gra­phie la plus exacte possible de la popu­la­tion se trou­vant sur le terri­toire communal.

L’enregistrement des données au sein du registre des habi­tants doit permettre aux autres admi­nis­tra­tions publiques d’accomplir leurs tâches, ce qui implique néces­sai­re­ment une commu­ni­ca­tion de données. En droit vaudois, la commu­ni­ca­tion de données par une entité soumise à la Loi vaudoise du 11 septembre 2007 sur la protec­tion des données person­nelles (LPrD ; 172.65) doit se faire confor­mé­ment aux condi­tions pres­crites par l’art. 15 LPrD. De manière non exhaus­tive, les données person­nelles peuvent être commu­ni­quées lorsque :

  • une base légale le prévoit (let. a) ;
  • le requé­rant établit qu’il en a besoin pour accom­plir ses tâches légales (let. b) ; ou
  • le requé­rant – privé – justi­fie d’un inté­rêt prépon­dé­rant à la commu­ni­ca­tion primant celui de la personne concer­née à ce que les données ne soient pas commu­ni­quées (let. c).

Il est à ce titre expres­sé­ment prévu par la Loi vaudoise du 9 mai 1983 sur le contrôle des habi­tants (LCH ; BLV 142.01) que le Contrôle des habi­tants four­nit aux admi­nis­tra­tions publiques qui en ont le besoin dans l’accomplissement de leurs tâches les données gérées dans son registre. La commu­ni­ca­tion de données entre le Contrôle des habi­tants d’autres auto­ri­tés repose prin­ci­pa­le­ment sur la Loi d’application vaudoise du 2 février 2010 sur l’harmonisation des registres des habi­tants et d’autres registres offi­ciels de personnes (LVLHR ; BLV 431.02) confor­mé­ment à l’art. 21 al. 3 LCH.

Autorités : seules béné­fi­ciaires de la commu­ni­ca­tion de données ?

Le Contrôle des habi­tants a été insti­tué pour répondre aux besoins de la collec­ti­vité publique. Cela implique qu’il doit pouvoir rendre service tant aux auto­ri­tés qu’aux parti­cu­liers, ces derniers pouvant égale­ment avoir besoin de certaines données à des fins déter­mi­nées. Il est souli­gné au sein de l’Exposé des motifs et du projet de loi sur le contrôle des habi­tants du 4 mai 1983 que chacun peut avoir un inté­rêt à véri­fier ou à retrou­ver l’adresse d’autrui, ainsi que d’autres données déte­nues par le Contrôle des habi­tants. Une réserve doit cepen­dant être prévue en ce qui concerne la commu­ni­ca­tion systé­ma­tique de données. En synthèse, les auto­ri­tés ne sont ainsi pas les seules à pouvoir être au béné­fice d’une commu­ni­ca­tion de données enre­gis­trées par le Contrôle des habitants.

Pour répondre aux besoins de la collec­ti­vité publique, les art. 22 et 22a LCH auto­risent la commu­ni­ca­tion de données aux parti­cu­liers (p. ex. parti­cu­liers, orga­nismes privés, etc.), ainsi qu’aux commu­nau­tés reli­gieuses (p. ex. l’Église évan­gé­lique réfor­mée, la Fédération ecclé­sias­tique catho­lique romaine ou la Communauté israé­lite de Lausanne). Les règles rela­tives à la commu­ni­ca­tion diffèrent selon qu’elle s’opère au béné­fice de parti­cu­liers (art. 22 al. 1 LCH) ou d’organismes privés comme les partis poli­tiques (art. 22 al. 3 LCH). Les règles rela­tives à la commu­ni­ca­tion de données ont été préci­sées dans le cadre du Guide pratique : La protec­tion des données s’invite au Contrôle des habi­tants publié le 27 novembre 2017.

Communication de données

(i) À des parti­cu­liers (art. 22 al. 1 LCH)

Conformément à l’art. 22 al. 1 LCH, le Contrôle des habi­tants est auto­risé à rensei­gner les parti­cu­liers sur l’état civil, la date de nais­sance, l’adresse et l’adresse postale complète, les dates d’arrivées et de départ, le précé­dent lieu de séjour et la desti­na­tion d’une personne nommé­ment dési­gnée. Seules les données listées à l’art. 22 al. 1 LCH peuvent être commu­ni­quées à un parti­cu­lier. La demande doit porter sur une personne nommé­ment dési­gnée. Il est donc impos­sible par exemple de requé­rir les données de tous les rési­dents d’un même immeuble loca­tif. Il est encore à noter que l’art. 22 al. 2 LCH inter­dit pour sa part la commu­ni­ca­tion systé­ma­tique de données à des fins commer­ciales ou publicitaires.

Si le Contrôle des habi­tants a la possi­bi­lité de trans­mettre aux parti­cu­liers les données susmen­tion­nées, il n’y est cepen­dant pas obligé. En effet, une pesée des inté­rêts doit être effec­tuée au cas par cas. Le Contrôle des habi­tants peut notam­ment refu­ser la commu­ni­ca­tion des données lorsqu’il appa­raît vrai­sem­blable que celle-ci engen­dre­rait un risque pour la personne concer­née (p. ex. harcè­le­ment) ou lorsque la personne a demandé la confi­den­tia­lité de ses données auprès du Contrôle des habi­tants (celle-ci devant être motivée).

(ii) À des orga­nismes privés (art. 22 al. 3 LCH)

L’art. 22 al. 3 LCH prévoit notam­ment que la Municipalité peut auto­ri­ser la trans­mis­sion de données à des orga­nismes privés pour permettre la réali­sa­tion de travaux d’intérêt géné­ral. Contrairement au cas de la commu­ni­ca­tion de données à des parti­cu­liers, il n’est pas néces­saire pour l’organisme privé de dési­gner nommé­ment les personnes. Cela implique de facto qu’un orga­nisme privé pour­rait obte­nir des listes d’adresses. À cet égard, préci­sons que seule la Municipalité est compé­tente pour auto­ri­ser ou non la trans­mis­sion des données. Sur ce dernier point, seules les données listées à l’art. 22 al. 1 LCH peuvent être communiquées.

Ni la notion d’organisme privé ni la notion de travail d’intérêt géné­ral ne sont défi­nies par la loi. Selon nous, la notion d’organisme privé doit s’interpréter au sens large. En ce qui concerne la notion de travail d’intérêt géné­ral, le Guide pratique précité donne quelques exemples. Le recru­te­ment de nouveaux membres ou la collecte de fonds ne peuvent ainsi pas être compris comme pour­sui­vant un travail d’intérêt géné­ral. À l’inverse, pour­rait être compris comme pour­sui­vant un travail d’intérêt géné­ral l’envoi de docu­ments infor­ma­tifs ou l’organisation d’un événe­ment festif par une école de musique ou une société de tir locale. Si la Municipalité garde une marge d’appréciation, elle doit impé­ra­ti­ve­ment faire preuve de discer­ne­ment et de rete­nue dans la trans­mis­sion de listes d’adresses. La Municipalité garde égale­ment la possi­bi­lité de pronon­cer un émolument.

La loi ne règle pas les moda­li­tés concer­nant la trans­mis­sion de listes d’adresses. Celle-ci doit cepen­dant se faire confor­mé­ment aux prin­cipes géné­raux du droit de la protec­tion des données. Il est ainsi impor­tant que le desti­na­taire soit rendu atten­tif au fait qu’il ne peut utili­ser les données concer­nées que dans le but pour lequel elles ont été commu­ni­quées. Le Guide pratique recom­mande à cet égard d’obtenir l’engagement écrit du desti­na­taire. Le Contrôle des habi­tants doit, dans la mesure du possible, se char­ger lui-même des envois pour le desti­na­taire plutôt que lui remettre une liste d’adresses qui pour­rait poten­tiel­le­ment être illi­ci­te­ment réuti­li­sée. Cela n’est toute­fois pas toujours possible. Dans ce dernier cas, il est préfé­rable que le Contrôle des habi­tants procède à la trans­mis­sion sous forme d’étiquettes plutôt que de listes d’adresses dans un format papier ou électronique.

(iii) À des partis politiques

Les règles enca­drant la commu­ni­ca­tion de données à des orga­nismes privés (art. 22 al. 3 LCH) valent muta­dis mutan­dis pour le cas spéci­fique de la commu­ni­ca­tion de données à des partis poli­tiques qui sont compris dans la notion d’organisme privé.

Les moda­li­tés enca­drant la commu­ni­ca­tion de données à des partis poli­tiques font cepen­dant l’objet d’une Décision du 2 février 2017 rendue par le Chef du dépar­te­ment de l’économie et du sport. Cette déci­sion a été portée à la connais­sance des Contrôles des habi­tants par l’intermédiaire de la Circulaire 17/​02. Les moda­li­tés sont les suivantes :

  • la demande du parti poli­tique doit être faite par un cour­rier motivé et signé (par un respon­sable) auprès de la Municipalité ;
  • les données person­nelles pouvant être commu­ni­quées sont le prénom, le nom, l’adresse, l’année de nais­sance et le sexe ;
  • la Municipalité doit se pronon­cer sur le mode de trans­mis­sion ainsi que sur la percep­tion éven­tuelle d’émoluments ;

En ce qui concerne le respon­sable du parti poli­tique, ce dernier doit dans le cas d’une communication :

  • signer une décla­ra­tion par laquelle il s’engage à ne pas commu­ni­quer les rensei­gne­ments qui lui ont été commu­ni­qués à des tiers ni à les utili­ser à une autre fin que celle annoncée ;
  • accor­der à toute personne objet de la commu­ni­ca­tion l’accès aux données la concer­nant et le droit d’en connaître la provenance ;
  • trans­mettre à la Municipalité tout recours ou plainte qui lui parviendrait ;
  • procé­der à toute modi­fi­ca­tion ou suppres­sion de données requise par la Municipalité ;
  • détruire les données qui lui ont été trans­mises après utilisation.

Nous souli­gnons que les docu­ments susmen­tion­nés, en parti­cu­lier la déci­sion de la Municipalité auto­ri­sant la commu­ni­ca­tion (cf. www​.swiss​pri​vacy​.law/​212 sur la ques­tion de l’accès aux procès-verbaux déci­sion­nels), ou la décla­ra­tion du respon­sable du parti poli­tique sont des docu­ments offi­ciels soumis au prin­cipe de trans­pa­rence confor­mé­ment à la Loi du 24 septembre 2002 sur l’information (LInfo ; BLV 170.21). Toute personne peut ainsi requé­rir de la Municipalité lesdits docu­ments afin de véri­fier que les règles enca­drant la commu­ni­ca­tion de données à des partis poli­tiques ont été respectées.

Conclusion

Pour répondre aux besoins de la collec­ti­vité publique, le légis­la­teur a expres­sé­ment ancré aux art. 22 et 22a LCH la commu­ni­ca­tion de données aux parti­cu­liers, aux orga­nismes privés et aux commu­nau­tés reli­gieuses. Si cela peut surprendre, il n’est pas unique. Le légis­la­teur a égale­ment prévu d’autres commu­ni­ca­tions de données, à l’instar de la possi­bi­lité pour toute personne de consul­ter le registre public des proprié­taires de plaques (cf. www​.swiss​pri​vacy​.law/​118).

Ni les raisons soule­vées par le légis­la­teur ni les moda­li­tés enca­drant la commu­ni­ca­tion de données à des partis poli­tiques et, plus large­ment, à des parti­cu­liers ou à des orga­nismes privés ne prêtent le flanc à la critique.

En revanche, le fait que le parti­cu­lier n’ait pas à être informé d’une commu­ni­ca­tion par le Contrôle des habi­tants suscite le ques­tion­ne­ment. Une telle commu­ni­ca­tion ne va pas forcé­ment de soi pour le parti­cu­lier. À cet égard, il est toute­fois possible pour celui-ci d’exercer son droit d’accès (art. 25 LPrD) auprès du Contrôle des habi­tants. Dans le cadre d’une telle demande, et quand bien même la nomen­cla­ture du droit vaudois diffère par rapport au droit fédé­ral, il serait possible d’argumenter que l’identité du desti­na­taire des données doit être commu­ni­quée pour garan­tir la trans­pa­rence du trai­te­ment, ce confor­mé­ment aux textes de droit supé­rieur (cf. www​.swiss​pri​vacy​.law/​216, www​.swiss​pri​vacy​.law/​217 et www​.swiss​pri​vacy​.law/​218 pour une inter­pré­ta­tion du droit d’accès et de la ques­tion de la trans­mis­sion de l’identité des destinataires).



Proposition de citation : Livio di Tria / Kastriot Lubishtani, La communication de données à des partis politiques par le Contrôle des habitants des communes vaudoises, 14 avril 2023 in www.swissprivacy.law/219


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