Référendum contre la future Loi fédérale sur les services d’identification électronique
Actuellement, la Suisse ne connaît aucune procédure d’identification électronique encadrée par la loi ou faisant l’objet d’une garantie de la Confédération quant à sa sécurité et sa fiabilité. Exception peut être faite pour les moyens d’identification prévus par la Loi fédérale du 19 juin 2015 sur le dossier électronique du patient et par la Loi fédérale du 18 septembre 2016 sur les services de certification dans le domaine de la signature électronique et des autres applications des certificats numériques.
Face à la numérisation de notre société, une telle identification est nécessaire pour le succès de nombreuses prestations en ligne et de leur diffusion. Ces prestations ne sont pas uniquement issues du domaine privé, les autorités publiques développant eux-mêmes des nouvelles offres électroniques dans le cadre de leur stratégie de cyberadministration. Tel est le cas de la Confédération avec sa récente stratégie suisse de cyberadministration 2020–2023 ou du canton de Vaud avec sa stratégie numérique.
Toutefois, cette identification ne doit pas se faire sans cautèle de protection. Ces cautèles sont nécessaires pour garantir les exigences concernant la sécurité et la protection des données, et ce, notamment pour prévenir d’éventuelles fuites de données toujours plus nombreuses (cf. swissprivacy.law/19 ou swissprivacy.law/24).
Afin de pallier à ce manque, le Conseil fédéral a donc déposé auprès de l’Assemblée fédérale un projet en date du 1er juin 2018 (FF 2018 4031). Ce projet a fait l’objet de débats à l’Assemblée fédérale. Concrètement, l’idée de la LSIE est d’établir les moyens d’identification électronique nécessaires pour les échanges électroniques entre les citoyens, les autorités publiques et les entreprises. Pour ce faire, la Conseil fédéral a prévu un système de partage des tâches entre le secteur public et le secteur privé :
- le secteur public assumerait d’abord la tâche centrale de vérifier et de confirmer l’identité une personne, mais également celle de de contrôler les fournisseurs et leurs systèmes d’identification électronique ;
- le secteur privé s’occuperait de l’exploitation des systèmes d’identification électronique ainsi que de leur émission.
Selon le Conseil fédéral, cette répartition est motivée en raison du fait que le secteur privé serait plus à même de développer et de produire les supports technologiques requis pour une telle identification, tant celui-ci est plus proche des utilisateurs et des technologies nécessaires. Lors des débats parlementaires, cette répartition des tâches a été critiquée mais a finalement été adoptée telle quelle par l’aile libérale de l’Assemblée fédérale.
Toutes les prestations numériques ne nécessitant pas le même degré de sécurité, ni les mêmes données personnelles, la LSIE prévoit en l’état des exigences différentes en fonction du type d’identification électronique. Selon l’art. 4 LSIE, trois types d’identification électronique ont été retenus, chacune offrant un niveau de garantie spécifique en fonction de critères de fiabilité. On distingue à cet égard : un niveau de garantie « faible » (réduction du risque d’utilisation abusive ou d’altération de l’identité), un niveau de protection « substantiel » (protection élevée contre le risque d’utilisation abusive ou d’altération de l’identité) et un niveau de garantie « élevé » (protection la plus élevée possible contre le risque d’utilisation abusive ou d’altération de l’identité).
Les données personnelles constituant l’identité électronique varient en fonction du niveau garantie (art. 5 LSIE). Ainsi, une identification électronique d’un niveau de garantie « faible » ne contiendrait que le numéro d’enregistrement de l’identification électronique, le nom d’état civil, les prénoms et la date de naissance. Celle d’un niveau de garantie « substantiel » contiendrait en outre le sexe, le lieu de naissance et la nationalité. Finalement, en ce qui concerne le niveau de garantie « élevé », elle contiendrait la photographie de la personne. L’art. 9 LSIE prévoit enfin que le traitement de ces données ne peut intervenir que dans le but de procéder aux identifications prévues par la LSIE, empêchant (théoriquement) le secteur privé d’utiliser ces données personnelles à d’autres fins.
Outre les données personnelles enregistrées, la création et l’utilisation de l’identité numérique diffèrent aussi en fonction de chaque niveau de garantie. Ainsi, une identité électronique d’un niveau de garantie « faible » peut être enregistrée en ligne avec un document d’identité délivré par l’État et requiert au moins, pour son utilisation, une authentification à un facteur. L’utilisation d’une identité électronique d’un niveau de garantie « substantiel » requiert elle un enregistrement par le biais d’un entretien personnel auprès du fournisseur d’identité, d’une identification par vidéo sur la base d’un document d’identité délivré par l’État ou par le biais de la comparaison avec la photographie apposée sur le document d’identité. Son utilisation requiert une authentification à deux facteurs. Quant au niveau de garantie « élevé », l’enregistrement de l’identité numérique ne peut être effectué que lors d’un entretien personnel auprès du fournisseur d’identité ou d’une identification par vidéo sur la base d’un document d’identité délivré par l’État. L’authenticité de ce document et au moins une donnée biométrique sont vérifiées à l’aide d’une source officielle. Quant à l’utilisation de l’identité numérique, elle requiert également une authentification à deux facteurs, l’un des deux devant être biométrique.
À toutes fins utiles, il y a lieu de préciser que les art. 25 ss LSIE prévoient la création d’une nouvelle Commission fédérale en charge de la bonne application de la LSIE : la Commission fédérale des e‑ID (EIDCOM). Cette nouvelle Commission fédérale est notamment chargée d’octroyer au fournisseur d’identité la reconnaissance qui lui permettra d’officier en cette qualité, celle-ci étant cependant soumise à des conditions strictes (art. 13 LSIE). À ce titre, le PFPDT doit être consulté au préalable. Si les fournisseurs d’identité sont soumis à des obligations strictes, l’art. 12 al. 1 LSIE prévoit également une responsabilité du titulaire d’une identité numérique. En effet, ce dernier « doit prendre les mesures nécessaires et raisonnablement exigibles au vu des circonstances pour empêcher toute utilisation abusive de son e‑ID ».
Dans tous les cas, ce que nous venons de présenter est soumis au conditionnel. La décision finale d’accepter ou non cette loi est en main du peuple.
Proposition de citation : Livio di Tria, Référendum contre la future Loi fédérale sur les services d’identification électronique, 6 novembre 2020 in www.swissprivacy.law/25
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