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Droit d’accès : les SIG doivent transmettre le contrat de vente d’actions par lequel ils ont acquis les actions d’Ennova SA

Grégoire Chappuis, le 16 mars 2024
Ennova SA accom­plit des tâches publiques et les actions que les SIG détiennent dans cette société font partie du patri­moine admi­nis­tra­tif de l’État. Le contrat de vente d’ac­tions par lequel les SIG ont acquis cette parti­ci­pa­tion contient donc des rensei­gne­ments rela­tifs à l’ac­com­plis­se­ment d’une tâche publique et est donc soumis au droit d’ac­cès insti­tué par la LIPAD.

Arrêt de la chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice du canton de Genève ATA/​1138/​2023 du 17 octobre 2023

A.               L’état de faits

A. est une asso­cia­tion fribour­geoise qui a notam­ment pour but de lutter pour la protec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment, des paysages et de la santé de l’homme contre l’éo­lien industriel.

En 2021, A. a solli­cité des Services indus­triels de Genève (SIG) l’ac­cès aux docu­ments rela­tifs à la parti­ci­pa­tion des SIG à la plani­fi­ca­tion de sites éoliens sur le terri­toire du canton de Fribourg.

Les SIG ont répondu ne pas parti­ci­per à cette plani­fi­ca­tion et ne pas avoir de docu­ments à trans­mettre. Ils ont néan­moins fait suivre la demande d’ac­cès à Ennova SA (Ennova), dont ils détiennent actuel­le­ment le 100% du capi­tal-actions. De 2016 à 2018, Ennova, qui est spécia­li­sée dans le déve­lop­pe­ment de projets éoliens, a été manda­tée par le service de l’éner­gie du canton de Fribourg en vue de réali­ser une étude pour la défi­ni­tion de sites éoliens, dans le cadre de la plani­fi­ca­tion éolienne canto­nale. Le 12 mai 2014, les SIG, qui déte­naient jusque-là 20% du capi­tal-actions d’Ennova, ont acquis le 80% restant du capi­tal-actions en vertu d’un contrat de vente d’ac­tions (le « Contrat »).

Dans le cadre la média­tion qui s’est tenue sous les auspices du préposé canto­nal gene­vois à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence, A. a précisé sa demande, requé­rant notam­ment la trans­mis­sion du Contrat et ses annexes.

Le 5 juillet 2022, le préposé a recom­mandé aux SIG de trans­mettre des docu­ments solli­ci­tés, ce que les SIG ont refusé s’agis­sant du Contrat et de ses annexes. A. recourt contre la déci­sion des SIG auprès de la chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice de Genève (la « Chambre »).

B.               L’arrêt

I. Le droit d’ac­cès fondé sur l’art. 10 CEDH

La Chambre examine en premier lieu si la déci­sion entre­prise viole le droit à la liberté d’ex­pres­sion de la recourante.

La Chambre répond par la néga­tive. Dans l’ar­rêt Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie du 28 novembre 2016, la CourEDH a posé, sur la base de l’art. 10 CEDH, les condi­tions du droit d’ac­cès aux infor­ma­tions déte­nues par un État. Entre autres condi­tions, les infor­ma­tions recher­chées doivent être réel­le­ment néces­saires à l’exer­cice de la liberté d’ex­pres­sion et présen­ter de manière géné­rale un inté­rêt public.

In casu, la commu­ni­ca­tion du Contrat et de ses annexes n’ap­pa­raît pas suscep­tible d’ali­men­ter le débat public, et la réten­tion de ces infor­ma­tions n’ap­pa­raît pas être de nature à entra­ver l’exercice par la recou­rante de son droit à la liberté d’expression. De plus, il incombe à la recou­rante de moti­ver sa demande d’ac­cès pour pouvoir se préva­loir de la protec­tion de l’art. 10 CEDH, ce qu’elle ne fait pas. Enfin, la recou­rante n’al­lègue pas qu’il exis­te­rait un inté­rêt public prépon­dé­rant à ce qu’elle commu­nique les infor­ma­tions qu’elle obtiendrait.

II. Le droit d’ac­cès fondé sur le droit canto­nal genevois

La Chambre examine en second lieu si la déci­sion entre­prise viole le droit d’ac­cès garanti par le droit canto­nal gene­vois (art. 28 al. 2 Cst-GE et 24 ss LIPAD).

La Chambre retient que les docu­ments solli­ci­tés contiennent des rensei­gne­ments rela­tifs à l’ac­com­plis­se­ment d’une tâche publique au sens de l’art. 25 al. 1 LIPAD. En effet, les SIG, qui sont un établis­se­ment de droit public, sont les action­naires uniques d’Ennova. Or, cette dernière est une société d’éco­no­mie mixte remplis­sant des tâches publiques puis­qu’elle réalise, par ses acti­vi­tés, les objec­tifs de la poli­tique éner­gé­tique du canton de Genève tels que prévus aux art. 167 al. 1 let. e et 168 Cst-GE. Les actions d’Ennova font donc partie du patri­moine admi­nis­tra­tif de l’État, et le Contrat et ses annexes ont trait par rico­chet à l’ac­ti­vité des SIG dans le domaine de l’éolien.

Ensuite, la Chambre écarte l’ob­jec­tion des inti­més selon laquelle la demande d’ac­cès et l’at­ti­tude de la requé­rante étaient chica­nières. La Chambre rappelle qu’en matière de trans­pa­rence (LTrans ou LIPAD), les motifs qui guident une demande d’ac­cès ou la qualité du requé­rant ne revêtent pas de perti­nence. L’abus de droit est réservé à des cas excep­tion­nels, non réali­sés en l’es­pèce. Ici, les inti­més échouent à prou­ver que la recou­rante souhai­te­rait utili­ser les docu­ments solli­ci­tés pour atta­quer publi­que­ment les inti­més comme ces derniers le font valoir.

Par ailleurs, la Chambre examine si, comme les inti­més le soutiennent, les docu­ments solli­ci­tés devraient être sous­traits au droit d’ac­cès car leur trans­mis­sion mettrait en péril les inté­rêts patri­mo­niaux et les secrets d’af­faires des inti­més (art. 26 al. 1 et al. 2 let. let. b et i LIPAD). A cet égard, la Chambre rappelle que selon la juris­pru­dence, consti­tue un secret d’af­faires toute connais­sance parti­cu­lière qui n’est pas de noto­riété publique, qui n’est pas faci­le­ment acces­sible, dont le déten­teur a un inté­rêt légi­time à conser­ver l’ex­clu­si­vité et qu’en fait, il n’en­tend pas divul­guer. Le maître du secret ne peut se conten­ter d’une réfé­rence géné­rale à des secrets d’affaires. Il doit toujours indi­quer concrè­te­ment et de manière détaillée pour quel motif une infor­ma­tion est couverte par le secret.

En l’es­pèce, la Chambre conclut que les inti­més échouent à démon­trer dispo­ser d’un inté­rêt légi­time à conser­ver les infor­ma­tions secrètes (absence d’un inté­rêt objec­tif au main­tien du secret).

S’agissant du Contrat, celui-ci contient les clauses usuelles pour un contrat de rachat d’ac­tions. Les inti­més, qui se réfèrent de façon géné­rale à des secrets d’af­faires, n’in­diquent pas quelles dispo­si­tions du Contrat en contien­draient ni pour quel motif elles seraient couvertes par un tel secret.

S’agissant des annexes au Contrat, trois sont liti­gieuses. La liste des dettes d’Ennova au 30 avril 2014 n’est plus suscep­tible de donner des infor­ma­tions suffi­sam­ment précises et actuelles sur le résul­tat commer­cial de l’en­tre­prise, au vu de l’écou­le­ment du temps (plus de neuf ans depuis son établis­se­ment). Les deux autres annexes au Contrat, i.e. la liste des contrats en vigueur au moment de la signa­ture du Contrat et la liste des projets d’Ennova en cours au moment de la signa­ture du Contrat, ne sont pas suscep­tibles de donner un avan­tage indu à la concur­rence, étant relevé que les inti­més n’in­diquent pas quel avan­tage leur divul­ga­tion procu­re­rait à d’éven­tuels concur­rents, qu’ils ne dési­gnent par ailleurs pas.

Enfin, le secret de fonc­tion des cadres diri­geants des inti­més (art. 320 CP) ne fait pas obstacle à l’obli­ga­tion de commu­ni­quer les docu­ments solli­ci­tés. La Chambre rappelle à cet égard que l’in­for­ma­tion qui serait suscep­tible d’être commu­ni­quée sur requête en vertu de la légis­la­tion appli­cable sur l’ac­cès aux docu­ments ne consti­tue pas une infor­ma­tion secrète au sens de l’art. 320 CP. Il n’en va pas autre­ment de la clause de confi­den­tia­lité conte­nue dans le Contrat.

Au vu de tout ce qui précède, la Chambre annule la déci­sion entre­prise et ordonne aux inti­més de commu­ni­quer à la recou­rante le Contrat et ses annexes, préa­la­ble­ment caviar­dés des noms de tiers y figu­rant (art. 27 LIPAD).

C. Appréciation

L’arrêt rappelle une diffé­rence impor­tante entre le droit d’ac­cès décou­lant de l’art. 10 CEDH et celui décou­lant de la LTrans ou de la LIPAD. Dans le premier cas, le requé­rant doit démon­trer un inté­rêt parti­cu­lier et le moti­ver. Dans le second cas, le droit d’accès est garanti à toute personne, quel que soit l’intérêt du requé­rant qui n’a pas à moti­ver sa demande.

Ensuite, l’ar­rêt confirme que l’abus de droit ne permet que très rare­ment de faire obstacle au droit d’ac­cès en matière de LIPAD ou de LTrans dans la pratique.

Enfin, la personne qui invoque ses secrets d’af­faires pour s’op­po­ser à une demande d’ac­cès doit démon­trer de manière détaillée que les condi­tions appli­cables à la protec­tion des secrets d’af­faires sont remplies in concreto. Elle doit ainsi démon­trer que l’in­for­ma­tion n’est ni notoire ni faci­le­ment acces­sible, qu’elle a un inté­rêt subjec­tif au main­tien du secret et qu’il existe un inté­rêt objec­tif à ce que l’in­for­ma­tion concer­née soit main­te­nue secrète (en ce sens voir : swiss​pri​vacy​.law/​2​67/).



Proposition de citation : Grégoire Chappuis, Droit d’accès : les SIG doivent transmettre le contrat de vente d’actions par lequel ils ont acquis les actions d’Ennova SA, 16 mars 2024 in www.swissprivacy.law/288


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