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Les données de géolocalisation des agents de police genevoise : pas de conservation au-delà de 24 heures

Mallorie Ashton-Lomax, le 25 juin 2024
Un logi­ciel qui permet de conser­ver les données de géolo­ca­li­sa­tions de poli­ciers en service pendant 100 jours n’est pas conforme aux exigences de restric­tions des droits fonda­men­taux (art. 36 Cst).

Arrêt ATA/​422/​2024 de la Cour de Justice du canton de Genève du 25 mars 2024

La Cour de Justice du canton de Genève a examiné la léga­lité de la conser­va­tion de données issues d’un logi­ciel de géolo­ca­li­sa­tion utilisé lors de missions d’agents de police durant 100 jours au regard du droit de la protec­tion des données fédé­ral et canto­nal ainsi que des normes de protec­tion des travailleurs.

En 2022, le système de géolo­ca­li­sa­tion des agents de police en mission CARLOC est remplacé par MOBILE RESPONDER. Le dernier système installé conserve les données de géolo­ca­li­sa­tion des télé­phones et tablettes des véhi­cules de police pendant 100 jours (contre 122 jours pour l’application CARLOC). Les données enre­gis­trées comprennent entre autres les iden­ti­fiants de connexion, les dates et heures de l’activation, respec­ti­ve­ment la désac­ti­va­tion du système et les données de loca­li­sa­tion des agents.

Deux syndi­cats de police et leurs repré­sen­tants entrent en discus­sion avec le Département des insti­tu­tions et du numé­riques concer­nant l’utilisation de l’application MOBILE RESPONDER. Une Directive est établie par le Département, spéci­fiant notam­ment que la collecte et la conser­va­tion des données de géolo­ca­li­sa­tion est conduite pour assu­rer la gestion du dispo­si­tif opéra­tion­nel et assis­ter le person­nel de police dans ses missions. Les données ne sont, pour le surplus, pas utili­sées dans un but de surveillance.

Les syndi­cats de police contestent cette Directive en avan­çant que celle-ci porte atteinte au droit à la vie privée et à la protec­tion des données des poli­ciers. Une demande formelle est adres­sée au Département pour qu’il soit procédé à des modi­fi­ca­tions de la Directive en ce sens. Face au refus de ce dernier, les syndi­cats requièrent la consul­ta­tion du Préposé canto­nal à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence (PPDT). Le PPDT recom­mande au Département de modi­fier la Directive afin d’assurer notam­ment un effa­ce­ment des données collec­tées après 24 heures.

Le Département, même s’il reprend partiel­le­ment des recom­man­da­tions du PPDT, se refuse à réduire la durée de conser­va­tion des données à 24 heures et de suspendre le déploie­ment de l’application. La Directive est pour le surplus modi­fiée pour préci­ser que les données de géolo­ca­li­sa­tion pour­raient être utili­sées afin de « four­nir les moyens de preuves utiles dans le cadre d’une procé­dure pénale » (objec­tif n°5).

Les repré­sen­tants des forces de police persistent dans leurs conclu­sions et déposent un recours contre la déci­sion de refus du Département devant la Chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de Justice afin d’obtenir l’annulation de cette dernière et la mise en place de mesures plus strictes de protec­tion des données.

Après avoir confirmé que les asso­cia­tions de repré­sen­tants d’agents de police ont la qualité pour agir, la Chambre admi­nis­tra­tive plonge au cœur du sujet, à savoir la durée de conser­va­tion des données de géolo­ca­li­sa­tion à la lumière de la Loi sur l’information du public, l’accès aux docu­ments et la protec­tion des données person­nelles (LIPAD/​GE) et des droits fondamentaux.

La Chambre engage son raison­ne­ment par une mention inté­res­sante des droits du travailleur à sa sphère privée, y compris sur son lieu de travail à travers la loi fédé­ral sur le travail (LTr), des ordon­nances y affé­rentes (art. 26 de l’ordonnance 3 rela­tive à la LTr (protec­tion de la santé) du 18 août 1993 ; OLT 3) et de sa trans­po­si­tion dans le droit canto­nal par la loi géné­rale rela­tive au person­nel de l’administration canto­nale, du pouvoir judi­ciaire et des établis­se­ments publics (art. 2B al. 1 LPAC/​GE) et du Règlement rela­tif à la protec­tion de la person­na­lité à l’Etat de Genève (art. 1 al. 2 RPPers/​GE). La prise en compte de normes de protec­tion des travailleurs souligne la volonté de la Chambre de ratta­cher la procé­dure à la théma­tique de surveillance des employés à laquelle nous reviendrons.

La Chambre examine ensuite l’articulation de l’examen de restric­tions des droits fonda­men­taux (art. 36 Cst.) avec les régle­men­ta­tions de protec­tion des données et de l’activité des agents de police.

La Cour estime d’abord que l’atteinte à la person­na­lité des agents de police est limi­tée au regard de l’art. 8 CEDH, car il n’est pas systé­ma­ti­que­ment fait recours à l’application dont l’utilisation est prévue pour des situa­tions spéci­fiques. La Cour examine ensuite l’analyse de la condi­tion de la base légale formelle. En premier lieu, la LIPAD prévoit l’anonymisation des données dès que celles-ci ne sont plus néces­saires à l’Autorité (art. 40 al. 1 LIPAD/​GE ; art. 41 let. a LIPAD/​GE). En second lieu, l’objectif n°5 susmen­tionné ne fait pas partie des normes légis­la­tives régle­men­tant l’activité poli­cière (cf. art. 1 et 31 LPol/​GE). En permet­tant une durée de conser­va­tion des données non anony­mi­sées de 100 jours – dont la Cour relève qu’il s’agit d’une approxi­ma­tion du délai pour dépo­ser une plainte pénale – le Département met l’accent sur cette fina­lité sans justi­fier d’une autre manière le besoin de conser­ver les données pour plus de 24 heures. La Chambre estime que la mesure n’est pas néces­saire dès lors que la loca­li­sa­tion des forces de l’ordre en mission peut être déter­mi­née par d’autres moyens que par les données rele­vées par le logi­ciel de géolo­ca­li­sa­tion. La Chambre, sans mention­ner l’alternative concrète à la loca­li­sa­tion d’agents de police en mission, semble égale­ment se désin­té­res­ser de la posi­tion parti­cu­lière des poli­ciers dans son analyse, alors même que ceux-ci sont garants de la sécu­rité et de l’ordre public et peuvent faire usage de la force à ces fins.

Pour ces raisons, la Cour admet le recours et demande au Département de suppri­mer l’objectif n°5 et de rempla­cer le délai de 100 jours par une suppres­sion auto­ma­tique des données après 24 heures, confor­mé­ment à la recom­man­da­tion initiale du PPDT.

La problé­ma­tique de la surveillance des employés n’est abor­dée qu’en fili­grane par la Cour avec la mention rele­vée de la légis­la­tion tirée du droit privé (art. 26 OLT 3). En présence de légis­la­tion rela­tive à l’activité des fonc­tion­naires comme par la LPol/​GE, la problé­ma­tique de surveillance des employés semble pouvoir être relé­guée au second plan dans le raison­ne­ment juri­dique du tribu­nal. Les normes détaillées concré­ti­sant le travail de l’administration permet­traient, dans leur appli­ca­tion, une protec­tion plus forte des agents de police contre leur surveillance.

Dans l’ATF 130 II 425, le Tribunal fédé­ral examine la condi­tion de propor­tion­na­lité prévue par l’art. 26 al. 2 OLT 3 dans le cas d’une surveillance GPS appo­sée aux voitures de fonc­tion de tech­ni­ciens répa­ra­teurs. En l’absence d’autres normes protec­trices, il semble­rait possible qu’une surveillance dite « médiate »,puisse être décla­rée propor­tion­nelle, dès lors qu’elle ne porte pas sur les colla­bo­ra­teurs eux-mêmes, mais sur leur voiture et qui tende à n’appréhender que les dépla­ce­ments du travailleur.

Reste à savoir comment le Tribunal fédé­ral abor­de­rait cette ques­tion aujourd’hui, à l’aune des déve­lop­pe­ments consé­quents en droit de la protec­tion des données depuis cet arrêt. Il est à espé­rer que, dans un tel cas, le Tribunal fédé­ral prête­rait une atten­tion parti­cu­lière à la posi­tion spéci­fique des agents de police – pouvant user de moyens de contraintes sur des parti­cu­liers – lors de la mise en balance des inté­rêts publics et privés prédominants.



Proposition de citation : Mallorie Ashton-Lomax, Les données de géolocalisation des agents de police genevoise : pas de conservation au-delà de 24 heures, 25 juin 2024 in www.swissprivacy.law/307


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