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Vérifier la légalité du chalet voisin : un intérêt privé prépondérant

Mallorie Ashton-Lomax, le 26 juin 2025
Le Tribunal canto­nal valai­san recon­naît l’in­té­rêt prépon­dé­rant de proprié­taires à accé­der à la docu­men­ta­tion rela­tive aux auto­ri­sa­tions de construire concer­nant des biens-fonds voisins, lors­qu’une telle demande vise à véri­fier la léga­lité des construc­tions au regard de la loi canto­nale sur l’in­for­ma­tion au public, la protec­tion des données et l’ar­chi­vage (LIPDA/​VS).

Arrêt du Tribunal canto­nal du Valais du 18 février 2025, A1 24 219

En fait

Le 6 juillet 2022, trois socié­tés copro­prié­taires de la parcelle n° 1 à Verbier, déposent une demande d’accès aux auto­ri­sa­tions de construire concer­nant les parcelles voisines 2 et 3 auprès du Service des construc­tions de la commune de Verbier, fondée sur l’art. 12 de la loi valai­sanne sur l’information du public, la protec­tion des données et l’archivage (LIPDA). Les deman­deurs motivent leur requête par des doutes sur la léga­lité des construc­tions érigées sur les parcelles n°2 et 3. Les copro­prié­taires des parcelles visées et voisins, s’opposent à cette demande en invo­quant l’absence d’intérêt légi­time des requé­rantes et la protec­tion de leur vie privée ainsi que des droits d’auteur de leur archi­tecte sur les plans.

Le Préposé canto­nal à la protec­tion des données recom­mande la trans­mis­sion des dossiers de construc­tion, après anony­mi­sa­tion des données person­nelles. La commune accorde l’accès aux dossiers de la parcelle n°2, sans anony­mi­sa­tion, en invo­quant leur publi­ca­tion anté­rieure lors de la mise à l’enquête. Les voisins recourent devant le Conseil d’État valai­san. Ce dernier rejette leur recours, ce dès lors que les docu­ments offi­ciels jouissent d’une présomp­tion de publicité.

Les voisins saisissent alors le Tribunal canto­nal du canton du Valais (TC) pour contes­ter la déci­sion du Conseil d’État. Ils allèguent notam­ment une atteinte à leurs inté­rêts privés prépon­dé­rants, plus parti­cu­liè­re­ment la néces­sité de proté­ger leurs données person­nelles rele­vant de leurs sphères privées et celles de leurs proches. Ils invoquent égale­ment le risque de voir les plans exploi­tés par les demandeurs.

En droit

Les proprié­taires voisins reprochent prin­ci­pa­le­ment au Conseil d’État d’avoir retenu les faits de manière inexacte ou incom­plète et d’avoir, ce faisant, pris une déci­sion en viola­tion des art. 12 et 15 aLIPDA, version de la LIPDA appli­cable au litige.

L’art. 12 al. 1 aLIPDA consacre un droit d’accès aux docu­ments offi­ciels dans les limites de la loi. Ce droit vise à concré­ti­ser le prin­cipe de la trans­pa­rence et est appli­cable à toute personne physique ou morale (cf. Message accom­pa­gnant le projet de loi sur l’in­for­ma­tion du public, la protec­tion des données et de l’ar­chi­vage (LIPDA) du 20 février 2008, p. 6). L’exigence d’un inté­rêt parti­cu­lier des deman­deurs ne doit pas s’interpréter de manière restric­tive, afin de ne pas réta­blir le prin­cipe du secret admi­nis­tra­tif (Message, p. 7). L’intérêt parti­cu­lier doit donc être admis de façon suffi­sam­ment large par les tribunaux.

L’art. 15 aLIPDA impose aux auto­ri­tés une pesée des inté­rêts, fondée sur la présomp­tion de publi­cité des docu­ments offi­ciels (Message, p. 8). De plus, la juris­pru­dence fédé­rale précise que la charge de la preuve pour renver­ser la présomp­tion de libre accès aux docu­ments offi­ciels incombe à l’autorité qui doit démon­trer qu’une ou plusieurs des excep­tions prévues par la loi sont remplies ou dans quelle mesure elles le sont (ATF 142 II 324, consid. 3.4, cf. aussi in lawin​side​.ch/​3​00/). Le refus à l’accès aux docu­ments se justi­fie pour une atteinte grave et probable à la person­na­lité, sans que ce soit le cas par ailleurs lorsque l’atteinte est simple­ment conce­vable ou hypo­thé­tique (Arrêt du Tribunal fédé­ral du 23 mai 2023, 1C_​322/​2022, consid. 3.1).

En l’espèce, les socié­tés ont déposé une demande fondée sur l’art. 12 aLIPDA pour consul­ter les auto­ri­sa­tions de construire rela­tives aux parcelles voisines n°2 et n°3. Elles dispo­saient ainsi d’un inté­rêt parti­cu­lier, à véri­fier la léga­lité des construc­tions sur ces fonds voisins et de s’assurer que la commune mène à bien ses tâches d’autorité compé­tente en matière de police des constructions.

Le TC écarte les argu­ments tirés d’intérêts privés prépon­dé­rants des recou­rantes. En effet, les docu­ments visés ne comprennent pas de données person­nelles sensibles (cf. art. 3 al. 7 aLIPDA). Il n’y a pas non plus atteinte à la sphère privée des recou­rantes par la seule mention du nombre ou de l’affectation des pièces, notam­ment dès lors que les permis de construire ont déjà fait l’objet d’une forme de publi­cité lors de leur mise à l’enquête publique (art. 39 ss LC/​VS, art. 24 ss et 26 al. 1 let. a OC/​VS).

L’accès aux docu­ments n’entraîne pas non plus viola­tion du droit d’auteur des plans dres­sés par l’architecte, car ces docu­ments ont été publiés lors de la procé­dure d’enquête publique et que celle-ci vaut comme première publi­ca­tion au sens du droit d’auteur. Le TC note au passage que l’architecte n’a ni allé­gué les carac­té­ris­tiques artis­tiques des immeubles ni que la divul­ga­tion des plans entraî­ne­rait des distor­sions du marché.

La demande n’est fina­le­ment pas abusive au sens de l’exception de l’art. 15 al. 4 aLIPDA, cet article devant être compris comme repre­nant la défi­ni­tion de l’abus de droit du droit fédé­ral (cf. art. 2 CC). Les demandes abusives se basent notam­ment sur des motifs étran­gers à la protec­tion des données. La juris­pru­dence du Tribunal fédé­ral pose des exigences élevées pour rete­nir un abus de droit (cf. ATF 140 V 464 et ATF 139 V 494).

Le TC affirme ainsi l’existence d’un inté­rêt public et privé prépon­dé­rant en faveur de l’accès aux docu­ments publics solli­ci­tés qui l’emporte sur l’atteinte limi­tée à la sphère privée des recourantes.

Appréciation

Les légis­la­tions canto­nales recon­naissent en prin­cipe un droit d’accès étendu aux docu­ments de l’administration. Récemment, le Tribunal fédé­ral a réaf­firmé cette approche en confir­mant le droit d’accès à des docu­ments permet­tant de calcu­ler le rende­ment d’un immeuble dans le cadre d’un litige loca­tif (Arrêt du Tribunal fédé­ral 1C_​132/​2022 du 20 mars 2023) et à un contrat de vente d’actions conclu par les Services indus­triels de Genève (SIG) (Arrêt du Tribunal fédé­ral 1C_​634/​2023 du 30 septembre 2024, voir aussi swiss​pri​vacy​.law/​288). Dans ces deux affaires, le Tribunal fédé­ral a écarté les argu­ments invo­quant des excep­tions au droit d’accès, soit entre autres la protec­tion d’intérêts finan­ciers et patri­mo­niaux des enti­tés concer­nées. Un bon rappel qu’il ne suffit pas d’invoquer un inté­rêt prépon­dé­rant s’opposant à l’accès aux docu­ments, encore faut-il pouvoir le démontrer.



Proposition de citation : Mallorie Ashton-Lomax, Vérifier la légalité du chalet voisin : un intérêt privé prépondérant, 26 juin 2025 in www.swissprivacy.law/362


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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