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L’accessibilité des données issues de l’« Event Data Recorder » en procédure pénale

Leonardo Gomez Mariaca, le 10 juillet 2025
L’Event Data Recorder est un outil capable d’enregistrer des infor­ma­tions cruciales en cas d’accident. La présente contri­bu­tion analyse son acces­si­bi­lité en procé­dure pénale.

La présente contri­bu­tion est une synthèse de l’article scien­ti­fique du même auteur publié en open access au sein de la dernière édition de la revue Ex/​Ante.

I. Introduction

Les tech­no­lo­gies embar­quées dans les véhi­cules jouent un rôle clé en matière de sécu­rité routière. Parmi ces dispo­si­tifs, l’« Event Data Recorder » (ci-après : EDR), ou « enre­gis­treur de données d’événement », occupe une place parti­cu­lière en tant qu’outil capable d’enregistrer des infor­ma­tions cruciales en cas d’événement, c’est-à-dire géné­ra­le­ment un acci­dent impli­quant un véhi­cule auto­mo­bile. L’EDR est un système embar­qué dans le véhi­cule qui mesure en perma­nence un certain nombre de données, mais ne les enre­gistre que lorsqu’un chan­ge­ment de vitesse de plus de 8 km/​h inter­vient en l’espace de 150 milli­se­condes ou lors du déclen­che­ment de systèmes non réver­sibles, comme le déploie­ment de l’airbag. Ces données sont enre­gis­trées depuis cinq secondes avant l’événement jusqu’à 300 milli­se­condes après l’événement. Elles sont géné­ra­le­ment stockées dans le module de contrôle des airbags. Il garde en mémoire les données dyna­miques du véhi­cule, notam­ment la vitesse avant l’événement, la posi­tion des freins, de la pédale d’accélérateur, l’angle de direc­tion, les chan­ge­ments de vitesse dus à l’événement, le statut des cein­tures, le déclen­che­ment des airbags.

En Suisse, l’art. 102a OETV, en vigueur depuis le 1er avril 2024, intègre le règle­ment de droit euro­péen (UE) 2019/​2144 et le règle­ment délé­gué (UE) 2022/​545. Il oblige les nouveaux véhi­cules à être équi­pés d’un EDR. Cette obli­ga­tion est reprise selon le même calen­drier que l’UE : les voitures de tourisme et les voitures de livrai­son impor­tées devaient en être munies au plus tard dès une impor­ta­tion au 7 juillet 2024.Pour les mini­bus, les auto­cars, les camions et les trac­teurs à sellette, l’obligation s’appliquera à partir du 7 janvier 2029 au plus tard.L’annexe 2 de l’OETV indique quels systèmes sont recon­nus en droit suisse, bien qu’une équi­va­lence soit possible pour autant qu’elle soit prou­vée par le construc­teur. Il convient égale­ment de souli­gner que, bien que les véhi­cules impor­tés avant ces dates et déjà en circu­la­tion ne doivent pas être équi­pés de tels dispo­si­tifs, de nombreux construc­teurs ont déjà inté­gré des EDR dans leurs véhi­cules sur une base volontaire.

L’EDR est un module élec­tro­nique supplé­men­taire dans une unité de commande élec­tro­nique exis­tante. Il ne consti­tue donc pas un dispo­si­tif auto­nome indé­pen­dant du véhi­cule. Sur le plan tech­nique, l’EDR se distingue de la fameuse « boîte noire » que l’on retrouve notam­ment dans les avions par le fait qu’il n’enregistre pas les données en continu tout au long du fonc­tion­ne­ment du véhi­cule, mais unique­ment sur une courte période autour de l’accident. La préci­sion en droit améri­cain selon laquelle l’EDR n’enregistre pas de données audio ou vidéo, reprise depuis en droit euro­péen et natio­nal, est capi­tale, les boîtes noires enre­gis­trant parfois des commu­ni­ca­tions radio ou des bruits environnants.

Pour récu­pé­rer les données enre­gis­trées dans l’EDR, un « Crash Data Retrieval » a été déve­loppé par Vetronix Coroporation, puis racheté par l’entreprise alle­mande Robert Bosch GmbH dans les années 2000. Cet appa­reil a été commer­cia­lisé par la suite sous le nom de « Bosch Crash Data Retrieval » (ci-après : Bosch CDR) et est aujourd’hui compa­tible avec la plupart des véhi­cules des construc­teurs. Il est d’ailleurs possible de trou­ver actuel­le­ment en ligne un kit d’outils Bosch CDR conte­nant tout le maté­riel néces­saire pour effec­tuer une récu­pé­ra­tion des données issues d’un EDR pour une valeur de 5 900 USD. Par consé­quent, il est théo­ri­que­ment possible pour un justi­ciable d’extraire lui-même les données d’un EDR en cas d’absence d’intervention de la police, pour les produire en procé­dure pénale ou auprès de son assu­rance civile pour prou­ver une éven­tuelle absence de faute.

II. « Traces numé­riques » ou « enre­gis­tre­ments » ?

En cas d’accident, les traces de frei­nages, de pein­tures, d’impacts, etc. sont recueillies et mises en sécu­rité par la police sur la base de l’art. 306 al. 2 let. a CPP. L’intervention de la police dans ce cadre est indé­pen­dante et ne néces­site pas l’autorisation du Ministère public. En effet, la police doit pouvoir entre­prendre les premières inves­ti­ga­tions même sans ordre du Ministère public. Dans ce contexte, les données issues de l’EDR pour­raient ainsi être consi­dé­rées comme des « traces » au sens de l’art. 306 al. 2 let. a CPP. Néanmoins, la ques­tion de l’applicabilité de l’art. 246 CPP se pose, car si les données prove­nant d’un EDR devaient être consi­dé­rées comme des « enre­gis­tre­ments », alors une perqui­si­tion d’enregistrement devrait être prononcée.

A) La solu­tion dite des « traces numériques »

La première solu­tion analy­sée consiste à consi­dé­rer les données extraites d’un EDR comme des « traces » qui doivent être mises en sûreté par la police au sens de l’art. 306 al. 2 let a CPP. Cette solu­tion doit selon nous être quali­fiée de prag­ma­tique, puisqu’elle consi­dère à juste titre qu’il n’est pas possible de s’opposer à un éven­tuel mandat de perqui­si­tion des données issues de l’EDR par la mise sous scel­lés, aucun secret ne pouvant raison­na­ble­ment être invo­qué au sens de l’art. 248 CPP. En effet, la modi­fi­ca­tion du 17 juin 2022 du CPP, entrée en vigueur le 1er janvier 2024, défi­nit de manière encore plus restric­tive les motifs de mise sous scel­lés. En ce qui concerne les données issues d’un EDR, il convient de rappe­ler que ce dernier n’enregistre en prin­cipe les infor­ma­tions que cinq secondes avant l’événement. Il est donc diffi­cile d’imaginer quel secret pour­rait être invo­qué pour justi­fier la mise sous scel­lés au sens de l’art. 248 al. 1 CPP, surtout que le texte de ce dernier a été modi­fié pour que l’intéressé ne puisse plus invo­quer « d’autres motifs » pour faire valoir son droit de refu­ser de dépo­ser ou de témoi­gner. De même, quand bien même les données issues d’un EDR seraient quali­fiées de « docu­ments person­nels » au sens de l’art. 264 al. 1 let. b CPP, l’intérêt public lié à la pour­suite pénale prime­rait vrai­sem­bla­ble­ment sur l’intérêt de la personne concer­née à la protec­tion de sa sphère privée, en raison de la nature de ces données.

Le Tribunal fédé­ral est d’ailleurs d’avis que les objets qui ne sont mani­fes­te­ment pas proté­gés par un secret et qui ne se prêtent pas à une perqui­si­tion et à une levée de scel­lés peuvent être dispen­sés de scel­lés et le Ministère public peut les affec­ter à un autre usage. Jositsch et Schmid estiment en effet que les objets qui ne sont ni des docu­ments, ni des enre­gis­tre­ments, ni des supports de données et qui ne portent pas atteinte à des droits de confi­den­tia­lité dignes de protec­tion ne sont pas soumis à la perqui­si­tion au sens des art. 246 ss CPP, mais confis­qués ou saisis. Dellagana-Sabry pense enfin que les docu­ments et enre­gis­tre­ments incri­mi­nants et non couverts par un secret protégé ou par un autre motif peuvent faire l’objet d’une perqui­si­tion contre laquelle l’opposition au sens de l’art. 248 CPP n’est pas possible. Par consé­quent, il peut être argu­menté que la police devrait libre­ment pouvoir mettre en sûreté les données issues de l’EDR au sens de l’art. 306 al. 2 let. a CPP, puisque même dans l’hypothèse où une ordon­nance de perqui­si­tion devrait être exigée, le justi­ciable ne pour­rait pas justi­fier une mise sous scel­lés qui empê­che­rait l’autorité judi­ciaire d’obtenir fina­le­ment les données en question.

B) La solu­tion dite des « enregistrements »

La seconde solu­tion analy­sée consiste à consi­dé­rer les données extraites d’un EDR comme des « enre­gis­tre­ments » devant être perqui­si­tion­nés au sens de l’art. 246 CPP. Selon nous, cette solu­tion doit être quali­fiée de prudente, car elle a le mérite de préser­ver l’intégrité de la procé­dure pénale dans l’éventualité où les données extraites ne peuvent être quali­fiées de « traces numé­riques ». En effet, si les données de l’EDR devaient bien être quali­fiées d’« enre­gis­tre­ment », alors une perqui­si­tion effec­tuée par la police sans mandat préa­lable et en l’absence de péril en la demeure contre­vien­drait à l’art. 241 al. 1 CPP.

À ce propos, l’art. 241 al. 3 CPP n’entre en ligne de compte que lorsqu’à défaut d’une perqui­si­tion immé­diate, la perte du moyen de preuve est à craindre. Aussi, même si les données d’un EDD peuvent être abimées, nous nous rallions à l’opinion de Keller qui consi­dère qu’il est prati­que­ment exclu de rete­nir une urgence en cas de perqui­si­tion d’enregistrements, car il n’est guère probable que le Ministère public soit injoi­gnable, au moins pour ordon­ner la perqui­si­tion des docu­ments par oral. À titre d’exemple, il convient de rele­ver que le Tribunal fédé­ral consi­dère que la fouille d’un télé­phone portable par des agents de police sans mandat consti­tue « eine Durchsuchung von Aufzeichnungen im Sinne von Art. 246 StPO », peu importe la manière dont la perqui­si­tion a eu lieu. Enfin, il y a lieu de remar­quer que l’exigence de mandat posée par l’art. 241 al. 1 CPP ne consti­tue pas toujours une pres­crip­tion d’ordre dont la viola­tion serait sans effet sur le carac­tère exploi­table des preuves récol­tées. Il faut en effet se fonder sur les circons­tances concrètes du cas d’espèce. Par consé­quent, bien que la police ait un devoir de mettre en sûreté les traces et les preuves (art. 306 al. 2 let. a CPP), la perqui­si­tion est une mesure de contrainte au sens de l’art. 196 CPP, qui a égale­ment pour objec­tif de mettre les preuves en sûreté (art. 196 let. a CPP).

C) La solu­tion dite « hybride »

Nous attri­buons à cette dernière solu­tion le quali­fi­ca­tif d’« hybride » car elle combine des éléments des deux solu­tions précé­dem­ment analy­sées. La solu­tion hybride se compose de deux étapes. Dans un premier temps, les données issues de l’EDR sont consi­dé­rées comme des « traces numé­riques » et doivent être mises en sûreté par la police au sens de l’art. 306 al. 2 let. a CPP. Dans un second temps, l’analyse des données récol­tées est consi­dé­rée comme une « Durchsuchung der Aufzeichnungen » : les données sont ainsi consi­dé­rées comme un enre­gis­tre­ment et néces­sitent un mandat de perqui­si­tion au sens de l’art. 246 CPP. Cette solu­tion doit selon nous être quali­fiée de pratique, car elle a le mérite de se concen­trer à la fois sur la conser­va­tion des données et sur le respect de l’intégrité de la procé­dure. Le raison­ne­ment derrière ces deux étapes est le suivant : les données stockées dans l’EDR ne contiennent aucune indi­ca­tion sur le conduc­teur du véhi­cule, ni aucune infor­ma­tion sur la loca­li­sa­tion spatiale ou tempo­relle d’un événe­ment. Aussi, la possi­bi­lité de mettre en rela­tion des données de colli­sion issues d’un EDR avec un conduc­teur n’est pas diffé­rente de celle de mettre en rela­tion des traces analogues avec un conduc­teur. Ces deux types de traces n’ont aucun rapport avec des pensées humaines, c’est pour­quoi il ne s’agit pas d’« enre­gis­tre­ments » au sens du CPP.

En effet, bien que l’art. 306 al. 2 let. a CPP ne fasse pas la distinc­tion entre « trace analogue » et « trace numé­rique », ce critère est impor­tant du point du vue de l’art. 246 CPP. La lettre de l’art. 246 CPP exprime de manière large la notion « d’enregistrements ». Le légis­la­teur a en effet voulu une formu­la­tion éten­due afin que les progrès tech­no­lo­giques à venir en matière de stockage ou de trai­te­ment de données puissent encore être perqui­si­tion­nés. C’est pour­quoi la majo­rité de la doctrine retient que les enre­gis­tre­ments englobent tous les supports de données, c’est-à-dire les supports d’expression de la pensée humaine, indé­pen­dam­ment de la manière dont ils sont stockés, en parti­cu­lier ceux qui se trouvent sous forme élec­tro­nique dans des supports de stockage.

III. Analyse critique : prudence est mère de sûreté

Alors, quelle solu­tion suivre ? La solu­tion des traces numé­riques — prag­ma­tique —, la solu­tion des enre­gis­tre­ments — prudente —, ou la solu­tion hybride — pratique — ? Pour répondre, il convient premiè­re­ment de rappe­ler que l’art. 246 CPP est une mesure de contrainte visant à mettre les preuves en sûreté au sens de l’art. 196 al. 1 let. a CPP. La perqui­si­tion de docu­ments et enre­gis­tre­ments (art. 246 CPP) est un acte de procé­dure qui porte atteinte aux droits fonda­men­taux, en parti­cu­lier à la sphère privée des personnes inté­res­sées (art. 196 al. 1 CPP et 13 al. 1 Cst.). Par consé­quent, la perqui­si­tion doit être fondée sur une base légale, être justi­fiée par un inté­rêt public, être propor­tion­née au but visé et ne pas violer l’essence des droits fonda­men­taux (art. 36 Cst.). Il s’agit en effet d’une perqui­si­tion d’enregistrements au sens de l’art. 246 CPP lorsque les docu­ments ou les supports de données doivent être lus ou vus, compte tenu de leur contenu ou de leur nature, pour établir leur apti­tude à prou­ver, pour les séques­trer ou pour les verser au dossier. En vertu de l’art. 198 CPP en rela­tion avec l’art. 241 al. 1 CPP, de telles perqui­si­tions de docu­ments et de supports de données doivent être en prin­cipe ordon­nées par le minis­tère public (éven­tuel­le­ment le tribu­nal du fond).

Deuxièmement, il convient de préci­ser qu’en cas de perqui­si­tion, l’ayant droit doit pouvoir invo­quer, en plus des éven­tuels secrets, des objec­tions acces­soires, telles que l’insuffisance des soup­çons lais­sant présu­mer une infrac­tion, l’absence de perti­nence des objets et/​ou docu­ments séques­trés pour la procé­dure pénale, la viola­tion du prin­cipe de propor­tion­na­lité et/​ou l’illicéité de l’ordre de perqui­si­tion, puisqu’il n’est en prin­cipe pas admis­sible de pouvoir présen­ter au cours d’une procé­dure pénale des preuves obte­nues de manière illi­cite ou encore des privi­lèges et immu­ni­tés inter­na­tio­naux et natio­naux, qui jouissent en prin­cipe d’une protec­tion complète, sous réserve notam­ment d’une levée de ceux-ci. Aussi, la voie du recours prévue à l’art. 393 CPP entre en ligne de compte si les griefs soule­vés ne concernent aucun inté­rêt juri­di­que­ment protégé par le main­tien du secret protégé par les scel­lés. Ce moyen de droit doit ainsi être ouvert, puisque l’intéressé ne peut défendre ses droits au cours d’une procé­dure de levée de scel­lés. Par consé­quent, selon nous, la simple absence de motif de scel­lés ne suffit pas à écar­ter d’emblée la néces­sité d’un mandat de perqui­si­tion, puisque d’autres motifs d’inexploitabilité doivent pouvoir être invo­qués par le justiciable.

Troisièmement et à notre avis les données issues d’un EDR peuvent être mises en rela­tion avec une idée humaine. En effet, bien que ces données ne carac­té­risent pas direc­te­ment le conduc­teur, elles reflètent, selon nous, l’expression d’une pensée humaine : une soudaine accé­lé­ra­tion avant un acci­dent révèle quelque chose sur l’intention du conduc­teur tout comme un frei­nage peut traduire l’intention d’éviter un acci­dent. La diffi­culté réside en réalité dans l’interprétation des données selon la probable volonté du justi­ciable. On peut objec­ter que des traces analogues présentent les mêmes carac­té­ris­tiques que leur contre­par­tie numé­rique enre­gis­trée dans l’EDR, sans qu’elles ne puissent pour autant être quali­fiées d’« enre­gis­tre­ments ». Toutefois, selon nous, la diffé­rence réside dans le support élec­tro­nique. En effet, le légis­la­teur a voulu faire preuve de prudence face aux enjeux liés à la protec­tion de la sphère privée dans le cadre de l’évolution des tech­no­lo­gies. Par consé­quent, les docu­ments et enre­gis­tre­ments visés à l’art. 246 CPP corres­pondent à l’ensemble des supports d’information envi­sa­geable suscep­tible d’être utilisé comme moyen de preuve. En somme, cela concerne n’importe quelle infor­ma­tion figu­rant sur n’importe quel support. Le terme de « traces numé­riques » au sens de « trace » pour l’art. 306 al. 2 let. a CPP, doit être compris en oppo­si­tion avec l’art. 246 CPP, et doit donc, selon nous, être réservé à des données n’ayant aucun rapport avec l’action humaine (p. ex. les données issues d’une machine mesu­rant la tempé­ra­ture). C’est pour­quoi, selon nous, il n’est pas possible de consi­dé­rer dans un premier temps que des données issues d’un EDR ne reflètent pas l’expression des pensées du justi­ciable afin de pouvoir les mettre en sûreté, puis de consi­dé­rer ces dernières comme un enre­gis­tre­ment au moment de l’exploitation des données. Le contraire revien­drait à admettre que les données en ques­tion acquièrent soudai­ne­ment, une fois mises en sûreté, un rapport avec une idée humaine néces­si­tant la mise en place d’une mesure de contrainte portant atteinte à la sphère privée des personnes inté­res­sées. De plus, il convient de souli­gner qu’en tant que mesure de contrainte, l’art. 246 CPP a pour objec­tif de mettre les preuves en sûreté (art. 196 let. a CPP) et non d’autoriser leur analyse.

Finalement, la solu­tion de l’enregistrement doit selon nous s’imposer, car elle respecte la lettre et l’esprit de la loi, spécia­le­ment de l’art. 246 CPP. Ce dernier a été conçu par le légis­la­teur comme étant le plus inclu­sif possible en prévi­sion des futures avan­cées tech­no­lo­giques. Par consé­quent, il convient selon nous d’opter pour la solu­tion la plus prudente, en accord avec la volonté du législateur.

IV. Quid de l’art. 102a al. 1 OETV ?

L’art. 102a al. 1 OETV prévoit expres­sé­ment que les auto­ri­tés respon­sables de l’étude et de l’analyse des acci­dents sont les seules à pouvoir trai­ter les données issues des EDR. Il est alors légi­time de quali­fier cet article de lex specia­lis par rapport au CPP, puisqu’il serait inutile d’introduire une dispo­si­tion qui prévoit l’accès à ces données aux auto­ri­tés si, d’un autre côté, le CPP prévoyait des limites à cet accès en impo­sant la néces­sité d’un mandat de perqui­si­tion. Toutefois, cette conclu­sion se heurte à un obstacle pratique impor­tant. L’obligation d’équiper les voitures d’une EDR intro­duite par l’art. 102a al. 1 OETV suit le même calen­drier que l’UE. Ainsi, les voitures de tourisme et les voitures de livrai­son impor­tées en Suisse doivent en être munies au plus tard dès la date d’importation du 7 juillet 2024. Pour les mini­bus, les auto­cars, les camions et les trac­teurs à sellette, l’obligation s’appliquera à partir du 7 janvier 2029 au plus tard. Néanmoins, la plupart des voitures de tourisme et de livrai­son actuel­le­ment en circu­la­tion et équi­pées d’un EDR ont été impor­tées en Suisse avant le 7 juillet 2024. Par consé­quent, l’obligation de l’art. 102a al. 1 OETV n’est, à l’heure actuelle, pas appli­cable à la très grande majo­rité des véhi­cules circu­lant en Suisse. Cette tran­si­tion progres­sive implique donc une coha­bi­ta­tion tempo­raire entre les deux cadres juri­diques jusqu’à ce que l’art. 102a OETV devienne plei­ne­ment applicable.



Proposition de citation : Leonardo Gomez Mariaca, L’accessibilité des données issues de l’« Event Data Recorder » en procédure pénale, 10 juillet 2025 in www.swissprivacy.law/365


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