32e Rapport d’activités du PFPDT – Partie protection des données

32e Rapport d’activités 2024/2025, publié le 1er juillet 2025
Le Préposé fédéral à la protection des données (PFPDT) est tant une personne physique qu’une organisation. La première est élue par l’Assemblée fédérale pour une période de quatre ans renouvelables deux fois (art. 43 et 44 LPD). Quant à l’organisation, elle cumule plusieurs charges, dont celles d’enquêter sur les violations des prescriptions de protection des données (art. 49 ss LPD), d’exécuter l’assistance administrative en Suisse et à l’étranger (art. 54 ss LPD), de tenir des registre de traitement des organes fédéraux (art. 56 LPD) ainsi que les tâches générales de conseil, d’assistance et aux organes cantonaux et de collaborations avec les autorités, de sensibilisation, de se prononcer sur des projets législatifs impliquant le traitement de données, et d’élaborer des outils de recommandations (art. 58 LPD).
Publié chaque année, le rapport d’activités permet d’obtenir une vue d’ensemble des activités de cette autorité de surveillance, de revenir sur des cas marquants ou découvrir des interventions moins visibles du PFPDT. Cette contribution revient sur quelques points choisis, les lectrices et lecteurs étant invités à se plonger dans le rapport pour plus de détails.
Contexte social et coopération
Comme à son habitude, le rapport commence par une prise de température du contexte social et politique par le PFPDT. Après une introduction sur les dangers de la surveillance massive par des acteurs étatiques, il est rappelé que les sociétés démocratiques ne doivent pas tomber dans le piège de la « faisabilité technologique ». Le respect des libertés instaurées par la Constitution ne doit pas être mis de côté, malgré les critiques de certains qui considèrent la protection des données comme une « tutelle inutile », et d’autres qui, avec une « soif de sécurité » exigent des durcissements des contrôles par le biais de reconnaissance faciale généralisée. Sur cette dernière, une interprétation de la loi l’interdirait, tout comme le score social (ou social scoring).
La coopération entre PFPDT et autorités de protection des données cantonales s’est principalement centrée sur les questions de délimitation des compétences entre législation fédérale et cantonale (ex. dans le domaine des transports publics) ainsi que l’exploitation de bases de données communes (ex. POLAP, Justitia et eVoting).
Projets d’importance nationale
Le projet CEBA (Cloud Enabling Büroautomation) visant à l’implémentation de M365 dans l’administration fédérale a continué à être suivie par le PFPDT. Les demandes principales faites au secteur Transformation numérique et gouvernance de l’informatique (TNI) sont l’examen des solutions de rechange (en lien avec le risque de dépendance au fournisseur), ainsi que l’évaluation de la proportionnalité traitements et la conduite d’une analyse d’impact à la protection des données (AIPD). Une des mesures de minimisation proposée est l’étiquetage des données et le cantonnement du traitement des données sensibles aux centres de données de l’administration fédérale (hors Cloud).
Lors de la restructuration du projet « Vote électronique », il a été clarifié que la responsabilité en matière de surveillance de la protection des données incombait aux cantons (art. 14 OVotE), le rôle de la Confédération se limitant à accorder les autorisations (art. 27a à 27q ODP).
Concernant la révision de l’e‑ID, le PFPDT a obtenu que le principe de non-traçabilité soit intégré dans la loi. Adopté par les Chambres fédérales, ce principe vise à protéger la sphère privée en restreignant l’accès aux seules données nécessaires à la démarche (p. ex. accès uniquement à l’âge dans le cadre d’achat d’alcool et non à l’ensemble des données de l’e‑ID).
Dernier projet d’envergure est Justitia 4.0, dont l’entrée en vigueur serait janvier 2026 et pour lequel le PFPDT devrait assurer la surveillance en matière de protection des données.
Exercices des droits et activités de surveillance
Le PFPDT intervient régulièrement auprès des responsables du traitement en lien avec l’exercice des droits des personnes concernées. Dans le cadre des demandes d’accès, il est rappelé, en plus de la nécessité de respecter le délai de 30 jours, de fournir des données exactes et complètes, sous peine d’une violation de l’obligation de renseigner (cf. swissprivacy.law/367/ et swissprivacy.law/366/).
Les activités de surveillance et sensibilisation du PFPDT sont présentées dans le rapport, distinguant les instruments (formulaires d’annonce et portails de notification), les activités de surveillance (enquêtes formelles selon l’art. 49 LPD, préliminaires informelles et interventions à bas seuil), les campagnes (ex. sur la sensibilisation à l’utilisation du numéro AVS restreint par l’art. 153b ss LAVS) et les guides et feuillets thématiques.
Le PFPDT a enregistré 363 violations et observé une augmentation du nombre d’AIPD effectué par les organes fédéraux. Sur ce premier point, un guide a notamment été mis à disposition au cours de l’année 2025, (cf. Guide relatif à l’annonce de violations de la sécurité des données et sur les informations des personnes concernées en vertu de l’art. 24 LPD, cf. swissprivacy.law/338/). Un tel guide avait déjà été publié en 2023 (Aide-mémoire concernant l’analyse d’impact relative à la protection des données personnelles visée aux art. 22 et 23 LPD).
La journalisation des processus est applicable depuis septembre 2023 sur la base de l’art. 4 OPDo. À partir du 1er septembre 2026, l’obligation de journalisation des lectures sera applicable aux organes fédéraux pour les systèmes non soumis à la directive Schengen (UE) 2016/680 (art. 46 OPDo).
Xplain, POLAP, tracking et immobilier
Les recommandations sur la sous-traitance émises à la suite des enquêtes en lien avec l’affaire Xplain ont été acceptées par l’administration fédéral (sur l’enquête, cf. swissprivacy.law/306/). Celle-ci est désormais tenue par les conclusions présentées, comme l’obligation de documenter les sous-traitances confiées à des tiers (ex. flux de données, modalités d’accès), d’imposer un cadre contractuel incluant notamment les exigences liées au cycle de vie des données (effacement, stockage), et la réalisation régulière d’audits.
Sur la plateforme nationale de recherche policière POLAP, l’absence de base légale a été relevée par le Tribunal fédéral dans un arrêt 1C_63/2023 (cf. swissprivacy.law/334/). Le PFPDT relève que, depuis, aucune base légale n’a été annoncée et attend d’être consulté selon l’évolution des travaux.
En matière de tracking sur les plateformes de vente, un guide sur l’utilisation de cookies a suivi la clôture de la procédure menée contre Ricardo et TX Group. Ce Guide relatif aux traitements de données au moyen de cookies et de technologies similaires prévoit entre autres d’accorder un « droit de conception » aux personnes concernées, leur permettant de consentir ou s’opposer au placement de cookies.
Enfin, des associations actives dans le domaine de l’immobilier ont pu bénéficier de conseils et sensibilisations sur le traitement des données, particulièrement sur les données pouvant être collectées de manière licite dans le processus de location (cf. Aide-mémoire concernant les formulaires d’inscription relatifs à la location d’un appartement). Il semble cependant qu’une certaine réticence à se conformer à ces recommandations existe auprès des gérances immobilières.
Santé, surveillance au travail et transports
Le domaine de la santé est régulièrement exposé à des problématiques de protection des données. Dans le sport, c’est plus particulièrement les données liées au dopage qui soulèvent des questionnements (cf. swissprivacy.law/268/). Au cours de l’année écoulée, le PFPDT s’est positionné sur la proportionnalité d’un transfert de données relatives au dopage à l’Agence mondiale d’antidopage (AMA) basée au Canada. Opposé à l’envoi systématique de dossiers médicaux d’athlètes, le PFPDT a demandé à l’AMA de rétablir la pratique préalablement en place, plus respectueuse du principe de proportionnalité. L’AMA a accepté un aménagement du processus de contrôle pour l’agence Swiss Sport Integrity, reposant sur un accès aux dossiers médicaux qu’en cas de besoin effectif.
Un autre sujet ayant fait couler beaucoup d’encre est celui des formulaires de consentement ou d’information fournit aux patients lors de leur prise en charge par des professionnels de la santé. Le PFPDT indique qu’une information à l’intention des fournisseurs de prestations sera bientôt mise à disposition (dans l’attente, cf. swissprivacy.law/319/ pour la recension de Frédéric Erard/Livio di Tria, Consentement aux traitements de données en cabinet médical. Ni libre, ni éclairé, ni nécessaire ? Jusletter 23 septembre 2024).
Sur la question de la surveillance des employés, le rapport d’activités revient sur les principes de protection des données devant être respectés. Outre l’exigence d’une intérêt légitime prépondérant de l’employeur et la restriction de la zone d’enregistrement, c’est une interdiction de filmer la zone de pause qui est indiquée. Une procédure a par ailleurs été close contre une entreprise de nettoyage de bâtiments.
Toujours en matière de surveillance, le PFPDT s’est penché sur l’utilisation de drones et de reconnaissance faciale, respectivement par Swisscom Broadcast et l’aéroport de Zürich. Dans le premier cas, c’est la conduite d’une AIPD qui a fait l’objet d’investigation. Dans le deuxième, c’est la vérification de l’existence d’une base légale formelle qui a été effectuée.
Data scraping, Data Privacy Framework et Schengen
Le PFPDT démontre une présence régulière à l’internationale, que ce soit dans des conférences, ateliers, groupes de travail, symposiums ou autres rencontres rassemblant les autorités de contrôles et professionnels de la protection des données.
Des différentes participations présentées, il ressort trois sujets principaux ayant occupé l’autorité.
Premièrement, le data scraping, un sujet déjà largement abordé dans le rapport d’activités de l’année dernière, pour lequel une déclaration finale accompagnée de directives a été présenté. Celles-ci portent notamment sur l’obligation pour les entreprises de se conformer aux lois de protection des données, de mettre en place de mesures de protection tenant compte de l’évolution des technologies d’extraction, ainsi que d’assurer la légitimité des extractions.
Deuxièmement, le rôle du PFPDT est abordé dans le cadre de transmission de données vers les États-Unis (CH‑U.S. Data Privacy Framework), un mécanisme toujours en vigueur malgré des évolutions récentes qui remettent en question certains des fondements ayant permis son rétablissement (évolutions qui n’ont par ailleurs pas été relevées dans le rapport).
De surcroît, les différentes activités liées à Schengen sont présentées, comme l’évaluation de la Suisse en début d’année, la participation à des groupe de coordination pour le contrôle de système d’information et des visites dans les locaux de fedpol.
Dernier élément méritant d’être mentionné, est la présidence du PFPDT du groupe de travail de l’Assemblée mondiale pour la protection de la vie privée dédié à l’action humanitaire, sa participation à un panel sur la protection de la vie privée dans un contexte d’urgence ainsi qu’une collaboration avec le CICR.
Conclusion
Les activités du PFPDT restent principalement axées sur du conseil (55% des prestations de protection des données). On peut noter une augmentation des activités de surveillance, principalement axée sur les personnes privées, passant de 16% à plus de 20% depuis le dernier rapport d’activités. Cette augmentation a comme pendant une diminution des activités liées à la législation, pourtant centrale pour assurer que les évolutions législatives suisses continuent à respecter les principes établis dans la LPD. Malgré l’absence d’augmentation d’effectif, le PFPDT suit également des dossiers législatifs pouvant avoir des impacts importants sur les droits et libertés fondamentales des personnes concernées, comme la révision de la Loi sur le renseignement (LRens) ou la révision de la Loi sur le dossier électronique du patient (LDEP).
Une prochaine contribution abordera la partie « principe de la transparence » du rapport d’activités.
Proposition de citation : Charlotte Beck, 32e Rapport d’activités du PFPDT – Partie protection des données, 22 juillet 2025 in www.swissprivacy.law/368

