swissprivacy.law
  • Décision
  • Doctrine
  • Jurisprudence
  • Réglementation
  • À propos
  • Abonnement à notre newsletter
  • Generic selectors
    Expression exacte 
    Rechercher dans le titre 
    Rechercher dans le contenu 
    Post Type Selectors
swissprivacy.law
  • Décision
  • Jurisprudence
  • Doctrine
  • Réglementation
  • À propos
  • Generic selectors
    Expression exacte 
    Rechercher dans le titre 
    Rechercher dans le contenu 
    Post Type Selectors
S'abonner
-->

La garantie de confidentialité dans l’affaire Swisscom

Kastriot Lubishtani, le 10 mai 2021
Une garan­tie de confi­den­tia­lité au sens de l’art. 7 al. 1 let. h LTrans doit en prin­cipe être deman­dée « expli­ci­te­ment » et donnée « expres­sé­ment ». Lorsqu’elle donnée « impli­ci­te­ment » ou « taci­te­ment », son exis­tence ne peut être admise qu’avec une très grande rete­nue. Dans tous les cas, il appar­tient aux parti­cu­liers voulant s’en préva­loir d’entreprendre les démarches pour l’obtenir, alors que l’autorité n’est pas tenue d’attirer leur atten­tion à ce sujet.

Arrêt TF 1C_​500/​2020 du 11 mars 2021

Après avoir été victime d’une fuite de données de ses clients, Swisscom commu­nique avec le Préposé fédé­ral à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence et de nombreux échanges de cour­riels entre les deux ont lieu. Ces échanges font l’objet d’une demande d’accès au sens de l’art. 6 LTrans par la RTS. Le PFPDT fait droit à cette requête, tout en caviar­dant quelques données person­nelles, dont celles des colla­bo­ra­teurs de l’entreprise.

S’opposant à cette déci­sion devant le Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral, Swisscom fait grief au Préposé fédé­ral de ne pas avoir respecté la garan­tie de confi­den­tia­lité au sens de l’art. 7 al. 1 let. h LTrans qu’il lui aurait donnée, mais l’existence de celle-ci est niée dans un arrêt A‑2564/​2018 du 5 août 2020. Le raison­ne­ment retenu par cette auto­rité a été commenté par Hirsch. Swisscom (la recou­rante) l’a égale­ment contesté devant le Tribunal fédé­ral qui s’est prononcé par arrêt 1C_​500/​2020 du 11 mars 2021.

La recou­rante se prévaut en premier lieu de l’existence d’une garan­tie de confi­den­tia­lité de l’art. 7 al. 1 let. h LTrans, au terme duquel une restric­tion est justi­fiée lorsque l’accès « peut avoir pour effet de divul­guer des infor­ma­tions four­nies libre­ment par un tiers à une auto­rité qui en a garanti le secret ».

Le Tribunal fédé­ral énonce trois condi­tions cumu­la­tives pour que cette dispo­si­tion s’applique en se réfé­rant à la doctrine : (1) l’information doit émaner d’un privé, à l’exclusion d’une admi­nis­tra­tion, et être desti­née à l’autorité ; (2) elle doit être four­nie libre­ment, ce qui implique l’absence à la fois de contrainte ou d’obligation légale ou contrac­tuelle ; (3) enfin, le privé commu­ni­quant l’information doit « expli­ci­te­ment » avoir requis que celle-ci demeure secrète et l’autorité doit « expres­sé­ment » avoir accordé une garan­tie de confidentialité.

En l’espèce, la réali­sa­tion des deux premières condi­tions n’est pas contes­tée et le cœur du litige réside dans l’existence ou non d’une garan­tie de confidentialité.

À cet égard, le Préposé fédé­ral en personne ne nie pas avoir fourni une garan­tie par oral à l’occasion d’un appel télé­pho­nique. Il précise toute­fois que sa garan­tie s’appuyait sur son secret de fonc­tion et n’avait que pour but de permettre à l’entreprise d’informer elle-même les personnes concer­nées par la fuite et de prendre des mesures de protec­tion des données person­nelles. Dès lors, le PFPDT consi­dère s’être engagé à ne pas infor­mer le public de la fuite avant Swisscom (« infor­ma­tion active »), mais que le public restait en droit de requé­rir de lui des infor­ma­tions en se fondant sur la LTrans (« infor­ma­tion passive »).

Pour la recou­rante toute­fois, le secret de fonc­tion est garanti de par la loi, si bien que lorsqu’une garan­tie est four­nie par le Préposé fédé­ral avant que l’information ne soit dévoi­lée, il ne peut que s’agir de la garan­tie, à tout le moins « tacite », de confi­den­tia­lité au sens de l’art. 7 al. 1 let. h LTrans.

Le Tribunal fédé­ral rejette l’interprétation de la recou­rante, en la jugeant contraire « au but et au sens » de la LTrans, mais aussi à la « volonté du Conseil fédé­ral (sic) ». Il est d’avis que l’art. 7 al. 1 let. h LTrans impose à toute auto­rité et, en l’espèce, au PFPDT une « pratique très restric­tive » néces­si­tant un examen « au cas par cas ». S’il devait en aller autre­ment et que l’administration était auto­ri­sée à offrir de façon éten­due des garan­ties de secret, la Loi sur la trans­pa­rence serait privée de sa substance et son appli­ca­tion concrète ne corres­pon­drait plus à la volonté du légis­la­teur. Une demande et une garan­tie peuvent être « impli­cites », mais ces dernières ne doivent être admises qu’avec une « très grande rete­nue » selon le Conseil fédé­ral (FF 2003 1807, 1853).

Sans le dire, le Tribunal fédé­ral ne perçoit pas dans les éléments avan­cés par la recou­rante une quel­conque garan­tie de confi­den­tia­lité dont l’existence n’est donc pas démon­trée. Swisscom se réfère en outre à la mention « Geheim » (« Secret ») sur une présen­ta­tion à desti­na­tion du Préposé fédé­ral et à l’un de ses cour­riels à ce dernier préci­sant que les infor­ma­tions trans­mises sont « natür­lich […] vertrau­lich » (« bien sûr […] confi­den­tielles »), mais ces éléments ne permettent pas de rete­nir qu’une garan­tie de confi­den­tia­lité, même taci­te­ment, aurait été octroyée.

La forme écrite pour la garan­tie de confi­den­tia­lité est recom­man­dée à des fins proba­toires, mais elle n’est pas « obli­ga­toire » pour autant selon l’art. 7 al. 1 let. h LTrans. Néanmoins, le Tribunal fédé­ral juge que la recou­rante, repré­sen­tée par des personnes expé­ri­men­tées, aurait dû se réfé­rer « clai­re­ment » à cette dispo­si­tion légale ou deman­der que la garan­tie soit formu­lée par écrit, cela d’autant plus en raison du fait que certains des hauts cadres de Swisscom impli­qués dans cette affaire étaient « suffi­sam­ment quali­fiés » dans le domaine pour ne pas se conten­ter d’une promesse orale. Par ailleurs, il n’appartient pas à l’autorité d’attirer l’attention des admi­nis­trés au sujet de la confidentialité.

Invoquant en outre une viola­tion du prin­cipe de la bonne foi décou­lant de l’art. 9 de la Constitution fédé­rale, la recou­rante ne démontre toute­fois pas avoir subi un quel­conque préju­dice. Enfin, le grief rela­tif à la viola­tion de l’art. 7 al. 2 LTrans est égale­ment mal fondé, dans la mesure où aucune atteinte à la sphère privée de tiers n’est établie. En effet, les noms des colla­bo­ra­teurs ont été anony­mi­sés sur déci­sion du PFPDT et l’autorité infé­rieure a égale­ment exigé le « noir­cis­se­ment » d’un élément particulier.

Partant, le Tribunal fédé­ral rejette le recours.

Comme Hirsch l’a relevé, tout parti­cu­lier solli­ci­tant le conseil du PFPDT au sens de l’art. 28 LPD devrait requé­rir expli­ci­te­ment une garan­tie de confi­den­tia­lité en se réfé­rant expli­ci­te­ment à l’art. 7 al. 1 let. h LTrans s’il entend s’en préva­loir pour s’opposer à la trans­pa­rence de ses échanges avec le Préposé fédéral.

Pour autant, la critique de cet auteur selon laquelle l’exigence d’une preuve écrite « frôle le forma­lisme exces­sif » ne peut être suivie. À cet égard, il ne saurait être perdu de vue que la demande d’accès fondée sur l’art. 6 LTrans est la clé de voûte de la loi et du but de trans­pa­rence qu’elle promeut (art. 1), tandis qu’une garan­tie de confi­den­tia­lité au sens de l’art. 7 al. 1 let. h LTrans y fait obstacle. Dans la mesure où une telle garan­tie permet­trait à l’autorité elle-même de déro­ger au prin­cipe de la trans­pa­rence, elle ne peut et ne doit être donnée que de façon « très restric­tive », retient le Tribunal fédéral.

Certes, le légis­la­teur n’érige aucune exigence de forme pour cette garan­tie. En raison de sa portée déro­ga­toire toute­fois et de son admis­sion restric­tive, il s’impose de rete­nir selon nous qu’elle doit être claire ou expresse et d’exclure ainsi toute garan­tie tacite. À défaut, l’autorité pour­rait contour­ner la trans­pa­rence et par là vider la loi de sa substance. En somme, le doute doit profi­ter à la trans­pa­rence et la déro­ga­tion à celle-ci dans une garan­tie de confi­den­tia­lité doit être transparente.

En l’espèce, c’est bel et bien le résul­tat auquel abou­tit le Tribunal fédé­ral en ayant des exigences de forme parti­cu­lières lorsqu’une procé­dure implique des personnes dispo­sant de connais­sances parti­cu­lières en matière de protec­tion des données et de trans­pa­rence ou qui sont assis­tées par des conseils jouis­sant de telles connais­sances. Cela revient à admettre que l’existence d’une garan­tie impli­cite ou tacite dans ces circons­tances est vrai­sem­bla­ble­ment exclue.

L’entrée en vigueur prochaine de la révi­sion totale de la Loi sur la protec­tion des données aura un impact lorsqu’une garan­tie de confi­den­tia­lité sera deman­dée à la suite d’une fuite de données. En effet, l’art. 24 al. 1 nLPD instaure une obli­ga­tion légale d’annonce du respon­sable de trai­te­ment au PFPDT des « cas de viola­tion de la sécu­rité des données entraî­nant vrai­sem­bla­ble­ment un risque élevé pour la person­na­lité ou les droits fonda­men­taux de la personne concer­née ». Il s’ensuit que cette annonce ne sera plus libre, mais au contraire obli­ga­toire. Par consé­quent, une garan­tie de confi­den­tia­lité ne pourra plus être requise en présence d’un « risque élevé ». Cela suppo­sera donc d’apprécier ce dernier, car en son absence, l’annonce ne sera pas obli­ga­toire. Dans ce cas de figure, l’annonce restera à la libre appré­cia­tion du respon­sable du trai­te­ment et sera donc libre au sens de l’art. 7 al. 1 let. h LTrans, si bien qu’une garan­tie pour­rait être demandée.



Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, La garantie de confidentialité dans l’affaire Swisscom, 10 mai 2021 in www.swissprivacy.law/71


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
Sur ce thème
  • Fuite de données, confidentialité et droit d'accès
  • Enquête contre Digitec Galaxus : les recommandations du Préposé sont justifiables, mais sont-elles justes ?
  • Une nouvelle loi adaptée aux défis de l'ère numérique
  • Jeu, set et match : tour d’horizon des récentes avancées législatives
Derniers articles
  • Les modèles de prix confidentiels soumis au principe de la transparence ?
  • Transparence à géométrie variable : le malaise vaudois
  • Votre carte d’identité comme carte de fidélité RGPD
  • Les limites du secret d’affaires : Analyse des recommandations du PFPDT par le TAF
Abonnement à notre newsletter
swissprivacy.law