Access to one, access to all
Non, le titre de la présente contribution n’a aucun lien avec l’Anneau unique, pas plus qu’avec sa célèbre inscription en noir parler que les aficionados de l’univers créé par J.R.R. Tolkien aiment chuchoter au détour d’une boisson.
La présente contribution se veut sérieuse et a pour but de mettre en exergue l’un des principes cardinaux de la transparence administrative. De manière un peu surprenante, nous nous faisons souvent l’écho des décisions des autorités suisses de transparence, réciproquement des décisions judiciaires qui peuvent en découler. Nous ne publions toutefois jamais le document de la cause en question.
Ceci s’explique d’abord par le fait que l’accès au document en question n’est pas toujours octroyé. Cela s’explique également par le fait que swissprivacy.law est avant tout un blog juridique. S’il porte à la connaissance du plus grand nombre les enseignements à tirer desdites décisions (et les bonnes références cinématographiques), il n’a pas pour but de fournir tous les documents officiels y relatifs. Ensuite, et de manière semblable aux autorités en question, nous n’en avons pas les moyens. Mais à nouveau, nous nous éloignons du sujet du présent article qui consiste à mettre en avant un des principes cardinaux du droit de la transparence.
Sous-jacent à la transparence administrative, le principe d’égalité en matière d’accès est énoncé à l’art. 2 OTrans, lequel prescrit que « l’accès accordé à une personne doit être accordé dans la même mesure à tout autre demandeur. » Autrement dit, access to one, access to all pour reprendre le titre de la présente contribution. Au vu de son importance, sa place au sein d’une ordonnance d’exécution peut susciter le questionnement.
Corolaire du principe de la transparence, cette maxime résulte du fait qu’une demande d’accès à un document officiel au sens des législations sur la transparence ne nécessite en aucun cas d’être motivée, pas plus qu’elle ne nécessite un intérêt particulier du demandeur. Ainsi tout un chacun peut présenter à l’administration – fédérale ou cantonale – une demande d’accès à un document officiel ou à un renseignement.
Permettant au citoyen de participer à la vie publique et de contrôler l’action de l’État, le droit d’accès aux documents officiels a émergé en Suisse à l’initiative du canton de Berne, afin de rétablir la confiance de la population à la suite du scandale des caisses noires. Pour ce faire, le canton de Berne s’est doté en 1993 d’une Loi sur l’information du public, faisant ainsi de la transparence de l’administration la règle généralement applicable et du secret le cas d’exception. À titre de comparaison, le Message relatif à la LTrans ne date que du 12 février 2003, l’approbation de la LTrans remonte pour sa part au 17 décembre 2004 et son entrée en vigueur au 1er juillet 2006. L’impulsion législative relative aux travaux relatifs à la LTrans a été donnée par les parlementaires.
À ses débuts, l’adoption de la LTrans n’a suscité que peu d’enthousiasme. Quinze ans plus tard, le principe de la transparence s’est confortablement imposé au sein de la population. Malgré tout, il arrive aujourd’hui encore que l’administration se braque face à une demande d’accès. Ce sentiment contrasté est souvent le fait d’un sentiment d’être contrôlé, d’entrave à la liberté d’action de l’administration ou de la résurgence de mauvais réflexes. Faute d’un réel ancrage constitutionnel, nous soulignons que les cantons de Glaris, Lucerne, Nidwald, Obwald et Thurgovie font office d’irréductibles gaulois, ceux-ci n’ayant pas encore institué de droit d’accès aux documents officiels.
Néanmoins, le principe de la transparence s’impose petit à petit. Il a d’ailleurs franchi une nouvelle étape, que nous souhaitions relater.
L’Office fédéral de l’armement (armasuisse) a annoncé le 26 août 2021 dernier, qu’à compter du 1er septembre 2021, tous les documents officiels dont l’accès a été accordé seraient publiés sur son site web. Cette volonté de d’armasuisse peut paraître anodine, mais elle démontre que le principe de la transparence s’est désormais bien installé au sein de l’administration fédérale. Cependant, rares sont encore les autorités à rendre spontanément accessible un document à tous postérieurement à une demande d’accès. L’initiative est donc à saluer et elle nous réjouit.
Alors quelle prochaine étape au droit de la transparence ? Peut-être un ancrage constitutionnel. Nous l’avons dit, mais l’accès à un document officiel ne bénéficie pas d’un ancrage constitutionnel aujourd’hui. Certes, l’art. 16 al. 1 Cst. garantit à chacun la liberté d’opinion et la liberté d’information. Toutefois, l’art. 16 al. 3 Cst. limite la liberté d’information aux sources généralement accessibles. À titre de comparaison, l’art. 11 par. 1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantit pour sa part la liberté d’information sans la limiter. Cet ancrage constitutionnel relève toutefois de l’utopie à l’heure actuelle, aucune initiative (parlementaire ou civile) n’allant en ce sens.
Le droit prétorien est une seconde hypothèse de direction. Nous pourrions nous attendre que le Tribunal fédéral déduise de la liberté d’expression un droit à l’information, bien qu’il se soit toujours refusé de le faire. Affaire à suivre donc… En espérant qu’elle soit meilleure que le préquel dédié à Bilbo.
Proposition de citation : Livio di Tria, Access to one, access to all, 3 septembre 2021 in www.swissprivacy.law/89
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