Mise en consultation d’une révision de la LAMal excluant de la transparence certaines informations liées aux modèles de prix
Comme l’explique le Conseil fédéral dans son rapport explicatif (p. 34), la question de la rémunération des médicaments aux fabricants est aujourd’hui de plus en plus délicate, notamment en raison des autorisations de mise sur le marché échelonnées qui permettent la mise sur le marché de médicaments à un stade relativement précoce. Le risque de prendre en charge des médicaments peu ou pas efficaces est plus important et la détermination de la rémunération due aux fabricants se complexifie. La Suisse et de nombreux États étrangers recourent à des « modèles de prix » qui visent à gérer les coûts d’un médicament à différents niveaux, dans le but d’éviter de prendre en charge des médicaments qui se révéleraient par la suite inefficaces. Dans ce cadre, chaque État négocie individuellement avec les titulaires d’autorisation, sur une base confidentielle, les prix qui seront effectivement pris en charge. Les prix ainsi négociés sont inférieurs aux prix publics (ou prix publics maximums pris en charge). Dans les modèles dits de « remboursement », déjà appliqués en Suisse, l’assureur-maladie demande au titulaire de l’autorisation de lui verser les restitutions fixées par l’OFSP, qui correspondent généralement à la différence de prix défini qui figure dans la liste des spécialités (liste des médicaments remboursés par l’AOS avec mention d’un prix de remboursement maximum) et le prix de fabrique.
Le projet de révision introduisant un article 52c LAMal vise à exclure l’accès aux documents officiels qui concerneraient le montant, le calcul ou les modalités des restitutions dans les modèles de prix. La confidentialité de ces informations est courante à l’étranger. Elle s’explique par le fait que la fixation du prix des médicaments – que ce soit en Suisse ou à l’étranger – se détermine par recours à une comparaison des prix pratiqués dans une sélection d’États étrangers. Or, la Suisse est un État de référence pour la fixation des prix des médicaments dans de nombreux États, dont certains présentent des marchés importants (ex. : Canada, Brésil ou Russie). Les entreprises pharmaceutiques sont ainsi disposées à proposer leurs médicaments en Suisse à des prix nettement inférieurs pour autant que le prix réel (négocié) ne soit pas rendu public. Dans le cas inverse, ces entreprises pourraient subir des désavantages financiers sur d’autres marchés qui prennent pour référence les prix publics pratiqués en Suisse. Elles pourraient alors décider de renoncer à une demande d’admission du médicament sur la liste des spécialités en Suisse ou attendre que les négociations avec d’autres États soient terminées. La population suisse pourrait alors être pénalisée du point de vue de l’accès aux médicaments. Le Conseil fédéral explique de surcroît que les demandes d’accès en la matière sont aussi déposées par des entreprises concurrentes, ce qui pourrait, selon le Conseil fédéral, miner les objectifs de la LTrans.
Le 20 août 2020, le PFPDT s’est prononcé contre l’adoption d’une disposition excluant l’accès aux documents officiels en lien avec les restitutions. Il a ainsi repris la position qu’il avait émise au stade de la consultation des offices, publiée dans son 27e rapport d’activités 2019/2020 (p. 75). Le Préposé y estime qu’un tel projet ne va pas dans le bon sens et rappelle que le principe de transparence vise à promouvoir la compréhension de l’administration et de son fonctionnement ainsi qu’à accroître l’acceptation de l’action étatique. L’augmentation des primes d’assurance-maladie constitue l’une des plus grandes préoccupations des ménages suisses et les coûts dans le domaine de la santé doivent faire l’objet d’une transparence accrue. Par ailleurs, les possibilités d’accès par les concurrents ne seraient pas forcément négatives, puisqu’elles permettraient indirectement le contrôle de l’activité étatique. Le Préposé estime enfin qu’une stratégie de transparence active permettrait à moyen et long terme de diminuer les prix, étant entendu qu’une coopération étroite à l’échelle internationale est essentielle pour atteindre une politique de prix réellement efficace.
Si les raisons invoquées par le Conseil fédéral dans son rapport explicatif sont certes compréhensibles, nous sommes d’avis que les dérogations au principe de transparence doivent reposer sur des arguments particulièrement solides et devraient seulement être adoptées à titre très exceptionnel. Au cours des dernières années, le législateur fédéral a en effet limité à plusieurs reprises la portée de la LTrans, en excluant par exemple de son champ d’application les rapports concernant les audits, les contrôles d’exploitation et les inspections de l’Office fédéral des transports (art. 52a Loi sur le transport des voyageurs). L’adoption progressive de telles limitations, même ponctuelles, porte des atteintes sérieuses au principal général de transparence et devraient être soigneusement évitées.
Proposition de citation : Frédéric Erard, Mise en consultation d’une révision de la LAMal excluant de la transparence certaines informations liées aux modèles de prix, 26 septembre 2020 in www.swissprivacy.law/9
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