Absence du requérant à la séance de médiation et classement de l’affaire
Demande d’accès, requête en médiation et procédure de médiation
Une demande d’accès à des documents officiels a été déposée en 2018 auprès de l’Établissement cantonal d’assurance des bâtiments du canton de Fribourg (« ECAB »). N’ayant pas reçu de détermination satisfaisante, le requérant a saisi la Préposée cantonale à la transparence d’une requête en médiation selon l’art. 33 al. 1 de la Loi fribourgeoise du 9 septembre 2009 sur l’information et l’accès aux documents (LInf). La Préposée a convoqué une première fois le requérant ainsi que l’ECAB à une séance de médiation. Le requérant a refusé d’y participer.
La Préposée a indiqué que la séance ne pouvait pas être annulée. Elle a convoqué une nouvelle séance et a informé le requérant qu’en cas de nouvelle absence non excusée de sa part, sa requête en médiation serait considérée comme retirée, puis classée. Malgré cela, le requérant ne s’est pas présenté à la séance, sans motif valable. La Préposée a alors constaté le retrait de la requête en médiation et classé l’affaire. Le requérant a fait recours contre ce classement au Tribunal cantonal du canton de Fribourg en invoquant notamment que si la médiation n’aboutit pas, la Préposée doit rendre une recommandation. Le requérant a recouru au Tribunal fédéral contre la décision de rejet du Tribunal cantonal.
Arrêt du Tribunal cantonal : pas de déni de justice
Dans son arrêt 601 2019 19 du 21 mai 2019 , le Tribunal cantonal est entré en matière et s’est penché sur la question de savoir si un déni de justice « indirect » a été commis par l’ECAB. En effet, sans recommandation de la Préposée (art. 33 al. 2 LInf), l’ECAB n’a pas pu rendre de décision contre laquelle le requérant aurait pu faire recours (art. 33 al. 3 LInf).
Le Tribunal cantonal a jugé « que la procédure de médiation est informelle et que la Préposée est libre de la mener comme elle l’entend », dans le cadre de son pouvoir d’appréciation. De manière générale, les parties doivent suivre ses injonctions. Lors de la deuxième convocation, le requérant a été dûment averti des conséquences de son absence sans motif valable. Ainsi, et à juste titre, la Préposée a classé sa demande sans rendre de recommandation. Dans ces circonstances, il ne peut être reproché à la Préposée de ne pas avoir rendu de recommandation et d’avoir ainsi empêché l’ECAB de rendre une décision sur cette demande d’accès à des documents officiels.
Arrêt du Tribunal fédéral : confirmation de l’arrêt du Tribunal cantonal
Le Tribunal fédéral a confirmé cette décision dans son arrêt 1C_353/2019 du 18 mars 2020 et jugé que la procédure de médiation selon la LInf peut être close sans recommandation de la Préposée lorsque le requérant est absent de la séance de médiation sans motif valable.
Grief de l’arbitraire
La médiation selon la LInf est une procédure qui ne débouche jamais sur une décision contraignante sur le fond de la part de la Préposée (art. 32 al. 2 LInf et art. 14 al. 3 de l’Ordonnance fribourgeoise du 14 décembre 2010 sur l’accès aux documents [OAD]).
C’est l’autorité concernée qui doit rendre cette décision (art. 33 al. 3 LInf). Cela ne signifie pas que la Préposée ne puisse pas statuer dans certains cas. Tel est le cas par exemple lorsque la demande de médiation ne satisfait pas aux conditions de recevabilité posées par la LInf ou lorsque la demande d’accès est retirée (consid. 2.2 de l’arrêt du TF).
Le Tribunal fédéral relève que le Tribunal cantonal a laissé indécise la question de savoir si le classement de la procédure pouvait faire l’objet d’un recours pour retard (déni de justice) ou d’un autre recours, et a examiné les griefs soulevés par le requérant. Il est arrivé à la conclusion que l’arrêt du Tribunal cantonal n’est pas arbitraire dans son résultat.
Obligation de collaboration à la procédure de médiation par les parties
Le Tribunal fédéral a profité de l’occasion pour procéder à une interprétation générale de l’art. 14a OAD. Celui-ci règle l’obligation de collaborer des parties à la procédure de médiation. Il s’agit d’une règle de procédure qui impose aux parties une obligation de collaborer à la recherche d’un accord et de prendre part à la médiation (art. 14a al. 2 let. c OAD). La Préposée, qui conduit la médiation, peut dans ce cadre régler la procédure (art. 14 al. 2 OAD). Le Tribunal fédéral indique qu’il s’agit d’une disposition potestative qui permet à la Préposée de constater l’échec de la médiation et de poursuivre la procédure par une recommandation, « mais ne le lui impose pas » (consid. 4.2 de l’arrêt du TF). Lorsque les parties refusent de collaborer à la médiation, la Préposée peut prendre des mesures destinées à faire respecter l’obligation de collaboration à la médiation (art. 14a al. 1 à 3 OAD). Elle a ici une marge d’appréciation. Ce n’est que si les deux parties refusent de collaborer qu’un accord est d’emblée exclu, et que dès lors il n’y plus de marge de manœuvre (consid. 4.2 de l’arrêt du TF). Dans ce cas, la médiation échoue et la Préposée doit rendre une recommandation (interprétation restrictive de la teneur de l’art. 14a al. 4 OAD).
Ce n’était pas le cas ici. L’ECAB a collaboré à la médiation (consid. 4.3). Le requérant a été clairement informé de la conséquence d’une absence injustifiée à la séance de médiation et il ne saurait se plaindre d’un formalisme excessif (consid. 4.4). Pour toutes ces raisons, le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
Cet arrêt a fait l’objet d’un commentaire partiellement critique du Professeur Bernhard Waldmann, professeur à la Faculté de droit de l’Université de Fribourg, dans la Revue fribourgeoise de jurisprudence RFJ 2020/1. Ce commentaire se penche sur des éléments de la procédure de médiation selon la LInf, et en particulier sur l’obligation de collaborer des parties ainsi que les conséquences en cas de manquement. Il examine également dans quelle mesure la Préposée dispose de compétences décisionnelles pour gérer les procédures de médiation en transparence.
Proposition de citation : Martine Stoffel, Absence du requérant à la séance de médiation et classement de l’affaire, 16 novembre 2020 in www.swissprivacy.law/29
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