Verbatim d’un entretien téléphonique du Président de la Confédération
Recommandation du PFPDT du 7 avril 2022, X c. Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)
Le 26 février 2022, le Président de la Confédération, Ignazio Cassis, s’entretient par téléphone avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky. Le 10 mars suivant, une journaliste demande au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) le vertbatim de cette discussion en se fondant sur la Loi sur la transparence. Le lendemain, le DFAE lui oppose un refus au motif qu’un tel document n’existe pas et qu’il ne serait de toute façon pas soumis au principe de la transparence. Devant cette réponse négative, la requérante initie le 16 mars 2022 une procédure de médiation par devant le PFPDT qui n’aboutit pas. Ce dernier rend le 7 avril 2022 une recommandation.
Afin de résoudre en l’espèce la question de savoir si le Conseil fédéral ou un de ses représentants est soumis au principe de la transparence, le PFPDT débute par déterminer la position de cet organe au sein de la Confédération.
Aux termes de l’art. 1 al. 1 de la Loi sur l’organisation du gouvernement et de l’administration (LOGA), le Conseil fédéral est « l’autorité directoriale et exécutive suprême de la Confédération ». Pour reprendre les termes du PFPDT, le Conseil fédéral constitue « dans son ensemble le gouvernement », soit une autorité gouvernementale collégiale prenant ses décisions à huis clos (art. 21 LOGA). S’il dirige certes l’administration fédérale, il n’en constitue pas moins une autorité distincte. Se référant tant aux travaux préparatoires qu’à la doctrine, le PFPDT constate que le Conseil fédéral n’est donc pas soumis à la Loi sur la transparence au regard de l’art. 2 al. 1 let. a LTrans a contrario.
Ainsi, c’est le titre auquel un Conseiller fédéral agit qui est déterminant pour l’application de la Loi sur la transparence. Lorsqu’il agit en tant que chef de département et donc d’une unité administrative, il n’exerce pas une activité dans le cadre du collège gouvernemental, de sorte qu’il est soumis au principe de la transparence. Tel n’est pas le cas, à l’inverse, lorsqu’il agit comme membre du Conseil fédéral in corpore.
En l’espèce, le PFPDT retient que c’est en qualité de Président de la Confédération que le Conseiller fédéral Cassis a mené l’entretien téléphonique en question, et non pas comme Chef du DFAE. Quand bien même un document rendant compte de cette discussion existait, son accès serait exclu en vertu de l’art. 2 al. 1 let. a LTrans a contrario.
Il s’ensuit qu’aucun accès ne peut être accordé à la requérante et que la décision de refus du DFAE doit être confirmée.
Selon nous, la recommandation du PFPDT ne prête pas le flanc à la critique.
D’une part, le principe de la transparence porte sur des documents officiels au sens de l’art. 5 LTrans ce qui, par définition, suppose que le document requis existe. Ainsi, une demande d’accès ne peut en principe pas aboutir s’il n’existe pas. Toutefois, l’art. 5 al. 2 LTrans réserve l’hypothèse, selon le Tribunal administratif fédéral, du document n’existant qu’à l’état virtuel, soit le document existant « à l’état latent » et pouvant être obtenu par une manipulation informatique élémentaire (arrêt TAF A‑741/2019 du 16 mars 2022, c. 8.3.1). Selon nous, une exception existe également lorsqu’un document n’existe pas, qu’il ne peut pas être « établi par un traitement informatisé simple » conformément à la disposition précitée, mais que l’administration est tout de même tenue d’établir (cf. swissprivacy.law/92/).
D’autre part, il paraît clair qu’un entretien entre le Président de la Confédération et un homologue étranger est mené par le premier en tant que chef de l’État et non pas comme le plus haut représentant d’une unité administrative de l’administration fédérale.
Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, Verbatim d’un entretien téléphonique du Président de la Confédération, 29 avril 2022 in www.swissprivacy.law/141
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