Garantie contractuelle de confidentialité et principe de transparence
Arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois TC 601 2020 219 du 7 décembre 2021
Faits
Un journaliste a demandé l’accès à la convention relative à la perception de la taxe de séjour (la convention) conclue entre une autorité et une plateforme afin de mieux saisir les mécanismes et enjeux de l’accord. L’autorité n’a pas accédé à la demande. Lors de la médiation, il a été convenu que l’autorité prenne contact avec la plateforme afin qu’elle se détermine sur l’accès à ladite convention. La plateforme s’est opposée à la transmission de la convention à des tiers en invoquant un secret d’affaires et une clause de confidentialité, et l’autorité a informé qu’elle n’octroierait pas l’accès aux documents sollicités. La préposée a recommandé d’octroyer l’accès à la convention et à ses annexes. L’autorité a refusé d’accorder l’accès et le journaliste a recouru contre cette décision.
Le Tribunal cantonal a décidé que l’autorité doit donner accès à la convention conformément à la Loi fribourgeoise du 9 septembre 2009 sur l’information et l’accès aux documents (LInf ; RS/FR 17.5), indépendamment de la clause de confidentialité, dans la mesure où les conditions légales sont remplies, ce qui était le cas en l’occurrence, et sous réserve d’intérêts publics ou privés prépondérants.
Processus décisionnel et position de négociation
En ce qui concerne les intérêts publics prépondérants invoqués par l’autorité pour s’opposer à l’accès, ce dernier ne risque ni de porter atteinte au processus décisionnel (art. 26 al. 1 let. c LInf), ni de compromettre la position de négociation de l’autorité (art. 26 al 1 let. e LInf). En effet, la convention est déjà ratifiée, la décision au sens large rendue et les négociations achevées.
Clause de confidentialité
S’agissant de la clause de confidentialité, la volonté de l’administration ou des administrés ne peuvent influer sur le caractère secret ou non d’une information. Les termes « interne », « confidentiel » ou « secret » n’empêchent pas – sur le principe – l’accès à un document officiel. Cette qualification relève de la loi et la demande doit être examinée indépendamment de l’éventuelle mention de classification pour déterminer s’il y a lieu d’octroyer l’accès au document sollicité.
Informations fournies librement
La garantie de confidentialité qui préserve certaines informations fournies librement par un privé à l’administration (art. 28 al. 1 let. c LInf) ne trouve pas application dans ce cas précis, l’on ne peut pas admettre se trouver en présence d’une garantie de confidentialité expressément donnée par l’autorité au sens de l’art. 28 al. 1 let. c LInf, et une telle garantie ne pourrait surtout pas s’étendre à l’ensemble de la convention.
Le Tribunal cantonal reprend dans cet arrêt celui du Tribunal fédéral 1C 500/2020 du 11 mars 2021 qui traite de la garantie de confidentialité (cf. www.swissprivacy.law/71). Ainsi, lorsqu’une convention est conclue entre un organe public et une personne privée, la disposition légale prime et il n’est pas possible d’y déroger par une clause de confidentialité. Selon la loi, l’accès peut être refusé seulement lorsqu’une personne privée fournit des informations librement à l’organe public, c’est-à-dire sans contrainte, soit en l’absence d’une obligation légale ou contractuelle. En outre, le Tribunal cantonal rappelle que l’organe public doit avoir expressément garanti la confidentialité à la demande explicite de la personne privée.
Secrets d’affaires
L’accès ne pourrait pas non plus être refusé au motif qu’il existe des secrets d’affaires (art. 28 al. 1 let. a LInf). L’autorité n’a en effet pas indiqué en quoi les informations relèveraient du secret d’affaires. La taxe de séjour, dont le prélèvement fait l’objet de la convention, est publiée et connue du public. Les mécanismes novateurs prétendument contenus dans la convention ne sembleraient pas s’apparenter à un secret d’affaires.
Conclusion
Il appartient à l’organe public d’adopter une pratique restrictive et au cas par cas en matière de clause de confidentialité, afin de ne pas vider de son sens le principe de transparence et ainsi à aller à l’encontre de la volonté du législateur. Il faut savoir que le principe de transparence prime et qu’une clause de confidentialité ne saurait y déroger.
Proposition de citation : Martine Stoffel / Samirah Choonka, Garantie contractuelle de confidentialité et principe de transparence, 6 février 2023 in www.swissprivacy.law/198
Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.