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Transparence des procès-verbaux de la Caisse de pension de l’État de Genève ou secret de fonction ?

Kastriot Lubishtani, le 31 mars 2022
L’obligation de garder le secret de l’art. 86 LPP n’est pas une excep­tion de droit fédé­ral au prin­cipe de la trans­pa­rence au sens de l’art. 26 al. 4 LIPAD-GE qui ferait obstacle à la divul­ga­tion de docu­ments officiels.

Arrêt du Tribunal fédé­ral 1C_​336/​2021 du 3 mars 2022*

Le 19 mai 2019, la réforme de la Caisse de pension de l’État de Genève (CPEG) est accep­tée à une courte majo­rité du peuple lors d’une vota­tion. En fin d’année, le comité de cette insti­tu­tion prend une déci­sion engen­drant des coûts supplé­men­taires pour le canton de Genève chif­frés à deux milliards de francs. Deux partis poli­tiques gene­vois la critiquent en mai 2020 dans un commu­ni­qué de presse.

À la suite de ce commu­ni­qué, le recou­rant, jour­na­liste, requiert l’accès au procès-verbal de la séance en ques­tion du comité de la CPEG. Néanmoins, ni sa requête fondée sur la Loi gene­voise sur l’information du public et l’accès aux docu­ments (LIPAD-GE) ni la média­tion qu’il requière ensuite devant le Préposé canto­nal à la protec­tion des données et à la trans­pa­rence du canton de Genève n’aboutissent.

Saisie d’un recours, la Chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice du canton de Genève confirme le refus de la CPEG par arrêt du 20 avril 2021 qui est atta­qué par le recou­rant devant le Tribunal fédéral.

Dans un premier temps, les juges fédé­raux constatent que la CEPG ne conteste plus être soumise à la LIPAD-GE en tant qu’établissement de droit public, contrai­re­ment à ce qu’elle avait soutenu tant devant le Préposé canto­nal que la Cour de justice.

Le Tribunal fédé­ral expose ensuite le droit canto­nal perti­nent en l’espèce. Premièrement, la Constitution gene­voise prévoit que « l’activité publique s’exerce de manière trans­pa­rente […] dans le respect du droit fédé­ral […] » (art. 9 al. 3 Cst.-GE) et que « toute personne a le droit de prendre connais­sance des infor­ma­tions et d’accéder aux docu­ments offi­ciels, à moins qu’un inté­rêt prépon­dé­rant ne s’y oppose » (art. 28 al. 2 Cst.-GE). Deuxièmement, la LIPAD-GE, équi­va­lant canto­nal de la Loi sur la trans­pa­rence (LTrans) a intro­duit un chan­ge­ment de para­digme au sein de l’administration publique en mettant un terme au régime du secret pour passer au prin­cipe de la trans­pa­rence sous réserve de déro­ga­tion. À l’appui des travaux prépa­ra­toires, l’importance du droit d’accès est ainsi mise en lumière :

« l’instauration d’un droit indi­vi­duel d’accès aux docu­ments repré­sente l’innovation majeure propre à confé­rer sa pleine dimen­sion au chan­ge­ment de culture qu’implique l’abandon du prin­cipe du secret ».

Cela étant, « l’application de la LIPAD-GE n’est pas incon­di­tion­nelle » selon le Tribunal fédé­ral, car un « inté­rêt public ou privé prépon­dé­rant » peut avoir pour effet de sous­traire des docu­ments au prin­cipe de la trans­pa­rence (art. 26 al. 1 LIPAD-GE). Il en va de même s’agissant des docu­ments pour lesquels « le droit fédé­ral ou une loi canto­nale fait obstacle » (art. 26 al. 4 LIPAD-GE). En raison de son « utile valeur didac­tique » aux yeux du légis­la­teur gene­vois, le droit fédé­ral a fait l’objet d’une réfé­rence expresse, indé­pen­dam­ment de sa primauté sur le droit cantonal.

En l’espèce, la CEPG soutient l’existence d’une excep­tion ressor­tis­sant au droit fédé­ral, en consi­dé­rant que les membres de son comité sont soumis à l’« obli­ga­tion de garder le secret » de l’art. 86 Loi sur la prévoyance profes­sion­nelle (LPP) dispo­sant que « les personnes qui parti­cipent à l’application de la présente loi, ainsi qu’au contrôle ou à la surveillance de son exécu­tion, sont tenues de garder le secret à l’égard des tiers ».

Pour déter­mi­ner si l’art. 86 LPP est une excep­tion de droit fédé­ral, le Tribunal fédé­ral rappelle que l’art. 6 LTrans consacre le droit d’accès, mais que l’art. 4 let. a LTrans réserve « les dispo­si­tions spéciales d’autres lois fédé­rales qui déclarent certaines infor­ma­tions secrètes ». Pour exem­pli­fier la loi, le Conseil fédé­ral a certes fait réfé­rence aux « normes rela­tives au devoir de discré­tion prévues dans la légis­la­tion en matière d’assurances sociales » (FF 2003 1807, 1832 s.). Néanmoins, il a égale­ment précisé que l’entrée en vigueur de la LTrans a eu pour effet de restreindre la portée du secret profes­sion­nel, d’affaire et de fonc­tion des employés fédé­raux selon l’art. 22 Loi sur le person­nel de la Confédération (LPers), car il est anté­rieur à la LTrans et consti­tue une « émana­tion du prin­cipe du secret » préva­lant aupa­ra­vant (FF 2003 1807, 1821). Ainsi, cette dispo­si­tion légale ne « protège plus que les infor­ma­tions couvertes par le secret en appli­ca­tion des excep­tions au prin­cipe de trans­pa­rence prévues aux art. 7 et 8 LTrans ». C’est d’ailleurs de cette façon que notre Haute Cour a égale­ment inter­prété l’art. 44 Loi sur le travail (LTr) qui exprime le secret de fonc­tion géné­ral (TF 1C_​129/​2016 du 14.2.2017, c. 2.3.3).

Les juges fédé­raux en viennent à exami­ner l’art. 86 LPP à l’aune des consi­dé­rants qui précé­dent et constatent qu’il est anté­rieur à la LTrans, mais aussi, comme les art. 22 LPers et 44 LTr, formulé de manière large en codi­fiant le secret de fonc­tion géné­ral. En accord avec la doctrine, sa portée est donc simi­laire aux dispo­si­tions préci­tées : l’obligation du secret se rapporte aux seules infor­ma­tions n’étant pas soumises au prin­cipe de la trans­pa­rence parce qu’une excep­tion des art. 7 ou 8 LTrans trouve à s’appliquer. Partant, les docu­ments soumis au prin­cipe de la trans­pa­rence n’y sont pas sous­traits en raison de l’obligation de garder le secret de l’art. 86 LPP, à l’exception, en prin­cipe, des données person­nelles rela­tives aux assu­rés (art. 7 al. 2 LTrans cum art. 86a al. 5 let. b LPP).

Le Tribunal fédé­ral conclut que l’art. 86 LPP n’est pas une « dispo­si­tion spéciale » au sens de l’art. 4 let. a LTrans. Il s’ensuit que le droit fédé­ral ne fait pas obstacle à l’accès au procès-verbal requis par le recou­rant, d’autant plus qu’il « ne contient a priori pas de données person­nelles en lien avec des assu­rés ». L’autorité infé­rieure a donc procédé à une appli­ca­tion arbi­traire de l’art. 26 al. 4 LIPAD-GE, si bien que le recours doit être admis. L’autorité infé­rieure devra déter­mi­ner si d’autres excep­tions de la LIPAD-GE entrent en jeu, à défaut de quoi elle devra rendre acces­sible le docu­ment liti­gieux au recou­rant, au besoin en anony­mi­sant les données person­nelles qu’il contient dont la révé­la­tion porte­rait atteinte à la sphère privée.

La solu­tion à laquelle parvient le Tribunal fédé­ral appa­raît dans la droite ligne de sa juris­pru­dence, conforme à la volonté du légis­la­teur, et donc logique. Plus que le fond de l’affaire ou la ques­tion juri­dique à résoudre, il semble que c’est le contexte poli­tique et le fait qu’il porte sur une caisse de pension publique qui en font un « arrêt de prin­cipe » destiné à publi­ca­tion (cf. art. 58 al. 1 RTF). Si l’arrêt est à saluer, souli­gnons néan­moins que l’appréciation des juges fédé­raux selon laquelle « l’application de la LIPAD n’est pas incon­di­tion­nelle » est maladroite. En effet, il n’est pas ques­tion dans le présent arrêt de l’application de la LIPAD-GE, mais bien de la portée du droit d’accès garanti par l’art. 25 LIPAD-GE. Or ce droit est bel et bien incon­di­tion­nel, en ce sens qu’il n’est pas fonc­tion d’un inté­rêt en parti­cu­lier, ce qui ne signi­fie pas pour autant qu’il est absolu et ne peut pas être restreint.



Proposition de citation : Kastriot Lubishtani, Transparence des procès-verbaux de la Caisse de pension de l’État de Genève ou secret de fonction ?, 31 mars 2022 in www.swissprivacy.law/134


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