L’accès au dossier d’une procédure pénale administrative
Arrêt TAF A‑4770/2019 du 7 juin 2021
Dans un arrêt du 7 juin 2021, le Tribunal administratif fédéral se prononce sur l’application de la LPD lorsqu’une procédure pénale administrative est close à l’encontre d’une partie, mais encore pendante à l’égard d’une autre.
Une personne se retrouve inculpée dans une procédure pénale administrative ouverte par l’Administration fédérale des douanes (AFD). L’autorité clôt ensuite la procédure à son encontre, mais la poursuit à l’encontre d’autres inculpés.
La personne exige de l’AFD le dossier complet de la procédure, en particulier les procès-verbaux non-caviardés. Suite au refus de l’AFD, la requérante saisit le Tribunal administratif fédéral.
Elle invoque en particulier l’art. 8 LPD afin d’avoir accès au dossier. Plus précisément, elle soutient avoir le droit de prendre connaissance des propos tenus à son égard dans une procédure qui la concerne, afin de pouvoir se défendre contre de tels propos. Elle aurait également besoin de savoir pourquoi elle a fait l’objet, pendant plus de trois ans, de soupçons et d’une enquête de droit pénal administratif.
L’art. 2 al. 2 let. c LPD prévoit que la LPD ne s’applique pas aux procédures pendantes civiles, pénales, d’entraide judiciaire internationale ainsi que de droit public et de droit administratif, à l’exception des procédures administratives de première instance.
Afin de trancher l’objet du litige, le Tribunal administratif fédéral doit déterminer si, selon cet art. 2 al. 2 let. c LPD, la LPD s’applique lorsqu’une procédure pénale administrative est certes close à l’encontre d’une personne invoquant la LPD, mais encore pendante à l’égard de tiers.
Il procède alors à une interprétation téléologique et historique. Selon le Tribunal administratif fédéral :
« le droit de procédure peut être considéré comme du droit de la protection des données. Si la loi sur la protection des données venait à s’appliquer aux procédures juridictionnelles, on se trouverait ainsi en présence de deux législations visant, partiellement du moins, un seul et même but. Cette dualité pourrait menacer la sécurité juridique, causer des problèmes de coordination et, finalement, retarder inutilement la procédure. C’est pourquoi la loi sur la protection des données ne s’applique pas aux procédures juridictionnelles ».
Grâce à cette interprétation, le Tribunal administratif fédéral considère que la LPD peut trouver application aux données de la requérante, puisque la procédure est close à son égard. Cela étant, la procédure se poursuit pour des tiers. La LPD ne peut donc pas s’appliquer « aux données qui servent encore à la poursuite pénale administrative à l’encontre de ces tiers ». Il appartient à l’autorité de trier ces données. Elle dispose à cet égard d’un très large pouvoir d’appréciation.
En l’espèce, le Tribunal administratif fédéral, avec « une grande retenue », confirme le tri opéré par l’AFD. Il souligne cela étant que la requérante pourra réitérer sa demande d’accès une fois l’enquête définitivement close à l’égard de l’ensemble des participants. Partant, le Tribunal administratif fédéral rejette le grief du requérant fondé sur l’art. 8 LPD.
Dans une seconde partie, le Tribunal administratif fédéral se penche sur l’art. 29 al. 2 Cst. Ce droit constitutionnel, qui peut être restreint ou supprimé, permet au justiciable de consulter le dossier non seulement en cours de procédure, mais aussi de manière indépendante, hors de toute procédure. En l’espèce, le Tribunal administratif fédéral considère brièvement que l’intérêt à la poursuite de l’enquête pénale administrative et au maintien du secret de l’enquête l’emporte sur les intérêts de la requérante. Partant, il rejette le recours.
Même si cet arrêt ne mentionne pas la nLPD, il nous semble pertinent de l’examiner brièvement : la solution du Tribunal administratif fédéral serait-elle la même avec le nouveau droit ?
La formulation de l’actuel art. 2 al. 2 let. c LPD a été partiellement modifiée par l’art. 2 al. 3 nLPD (cf. notre tableau comparatif). En particulier, la notion de « procédure pendante » a été abandonnée en raison du fait que ce terme causait parfois « des problèmes de délimitation » (FF 2017 6634). Cette modification ne modifie néanmoins pas la portée de cette disposition (FF 2017 6634 ; cf. ég. Hirsch Célian, L’accès aux données d’une procédure au regard de la LPD, in : Jusletter 17 septembre 2018, N 114 ss).
Par ailleurs, la révision de la LPD va modifier expressément la Loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA). Selon le futur art. 18d DPA,
«[t]ant que la procédure est pendante, les parties et les autres participants à la procédure peuvent, dans les limites de leur droit de consulter le dossier, obtenir les données personnelles qui les concernent ».
La solution retenue par le Tribunal administratif dans cet arrêt semble ainsi non seulement pouvoir perdurer avec le nouveau droit, mais en plus être conforme à l’art. 2 al. 3 nLPD et à ce futur art. 18d DPA.
Proposition de citation : Célian Hirsch, L’accès au dossier d’une procédure pénale administrative, 30 juin 2021 in www.swissprivacy.law/82
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