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Un droit d’accès à l’identité du dénonciateur ?

Célian Hirsch, le 7 octobre 2022
Si la personne dénon­cée rend vrai­sem­blable qu’elle a subi un dommage en raison d’une dénon­cia­tion, elle peut dispo­ser d’un inté­rêt prépon­dé­rant à se voir commu­ni­quer le nom du dénon­cia­teur, en parti­cu­lier si ce dernier semble avoir agi dans le but de nuire aux inté­rêts de la personne dénoncée.

Chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice gene­voise, ATA/​457/​2022, 3 mai 2022

Suite à une dénon­cia­tion rela­tive à des travaux en cours d’exécution sur deux immeubles, l’Office gene­vois du patri­moine et des sites (l’Office) contacte l’architecte respon­sable et lui demande d’arrêter tous travaux encore non auto­ri­sés. L’architecte conteste que les travaux ne soient pas auto­ri­sés et demande de connaître l’identité du dénon­cia­teur. Le lende­main, l’Office informe l’architecte que les travaux sont en ordre.

Les proprié­taires des immeubles saisissent ensuite l’Office afin que l’identité du dénon­cia­teur leur soit révé­lée, en appli­ca­tion du prin­cipe de trans­pa­rence. Le Département compé­tent consi­dère que l’intérêt public de l’État à pouvoir instruire avec les soins néces­saires une dénon­cia­tion et à veiller au respect des lois, ainsi que l’intérêt privé du dénon­cia­teur à voir son iden­tité préser­vée seraient prépon­dé­rants sur les inté­rêts des propriétaires.

Saisi par ces derniers, le Préposé canto­nal gene­vois recom­mande au Département de trans­mettre aux proprié­taires l’identité du dénon­cia­teur. Suite au refus du Département de suivre cette recom­man­da­tion, les proprié­taires recourent devant la chambre admi­nis­tra­tive de la Cour de justice genevoise.

Selon l’art. 24 al. 1 de la loi gene­voise sur l’information du public, l’accès aux docu­ments et la protec­tion des données person­nelles (LIPAD), toute personne a accès aux docu­ments en posses­sion des insti­tu­tions, sauf excep­tion prévue ou réser­vée par la LIPAD.

Les excep­tions au prin­cipe de la publi­cité sont mention­nées à l’art. 26 LIPAD. Sont ainsi sous­traits au droit d’ac­cès les docu­ments à la commu­ni­ca­tion desquels un inté­rêt public ou privé prépon­dé­rant s’op­pose (art. 26 al. 1 LIPAD).

L’art. 39 al. 9 LIPAD dispose que la commu­ni­ca­tion de données person­nelles à une tierce personne de droit privé n’est possible, alter­na­ti­ve­ment, que si une loi ou un règle­ment le prévoit expli­ci­te­ment (let. a) ou un inté­rêt privé digne de protec­tion du requé­rant le justi­fie sans qu’un inté­rêt prépon­dé­rant des personnes concer­nées ne s’y oppose (let. b).

La Cour de justice a déjà reconnu que l’in­té­rêt privé d’une personne à obte­nir des données person­nelles pour faire valoir ses droits en justice consti­tuait un inté­rêt privé prépon­dé­rant qui l’emportait sur la protec­tion de la sphère privée de la personne concer­née (ATA/​175/​2019 du 26 février 2019).

Conformément à cette juris­pru­dence, la Cour recon­naît que les proprié­taires disposent in casu d’un inté­rêt digne de protec­tion. En effet, ils ont rendu vrai­sem­blable que la dénon­cia­tion avait causé un arrêt de leur chan­tier, ce qui avait engen­dré des frais.

D’un point de vue de l’intérêt du dénon­cia­teur, la Cour rejoint le Préposé : à lecture de la dénon­cia­tion, il n’est pas exclu que le dénon­cia­teur ait agi par pure malveillance, c’est-à-dire dans le seul but de nuire aux inté­rêts des proprié­taires. En effet, le ton et le contenu du cour­riel liti­gieux laissent penser à un conflit person­nel entre les personnes concernées.

Concernant l’intérêt de l’État, celui-ci doit céder le pas à l’intérêt privé d’une personne à obte­nir des données pour faire valoir ses droits en justice, ce d’autant plus en l’occurrence, que la perti­nence de la dénon­cia­tion appa­raît discutable.

Partant, la Cour de justice admet le recours et ordonne au Département de donner accès aux proprié­taires au cour­riel de dénonciation.

Cet arrêt illustre une distinc­tion entre le droit d’accès à ses données person­nelles (art. 8 LPD ; art. 44 LIPAD ; art. 25 nLPD) et le droit d’accès aux docu­ments offi­ciels, fondé sur le prin­cipe de la trans­pa­rence (art. 6 LTrans ; art. 24 LIPAD).

Alors que le premier ne peut préci­sé­ment pas être utilisé afin d’obtenir des éléments de preuve pour une procé­dure (4A_​277/​2020, commenté in swiss​pri​vacy​.law/​45/), le second peut être utilisé dans ce but, comme cet arrêt l’illustre.

On peut ainsi se deman­der s’il est cohé­rent d’accepter expres­sé­ment que le prin­cipe de trans­pa­rence soit utilisé afin de se procu­rer des éléments de preuve, alors que le droit d’accès aux données person­nelles ne le permet pas. En effet, dans cette hypo­thèse, le prin­cipe de trans­pa­rence ne serait-il pas invo­qué à des fins abusives ?

Tel peut à notre avis être le cas, en parti­cu­lier dans l’arrêt ATA/​175/​2019 susmen­tionné, dans lequel des héri­tiers voulaient obte­nir des docu­ments qu’ils semblaient ne pas pouvoir obte­nir dans la procé­dure civile inten­tée contre la personne visée par la demande d’accès.

Au contraire, dans l’arrêt commenté ici, les proprié­taires ne semblent pas abuser de leur droit lorsqu’ils tentent d’obtenir l’identité du dénon­cia­teur. C’est plutôt ce dernier qui semble abuser de la protec­tion des données afin de ne pas assu­mer les consé­quences de sa dénon­cia­tion infondée.

Tout est ainsi une ques­tion d’appréciation du motif de la demande d’accès.



Proposition de citation : Célian Hirsch, Un droit d’accès à l’identité du dénonciateur ?, 7 octobre 2022 in www.swissprivacy.law/176


Les articles de swissprivacy.law sont publiés sous licence creative commons CC BY 4.0.
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