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La transparence face à l’opacité du calcul des primes d’assurance-maladie

Kastriot Lubishtani et Livio di Tria, le 29 septembre 2021
L’OFSP ne peut refu­ser une demande d’accès aux docu­ments offi­ciels portant sur les hypo­thèses et prévi­sions rete­nues par les assu­reurs-mala­die pour fixer le coût des primes au motif qu’elle porte sur un volume extra­or­di­nai­re­ment impor­tant d’informations. Il doit iden­ti­fier si des docu­ments permet­tant de satis­faire à une telle demande existent et les trans­mettre. Toute auto­rité saisie d’une telle demande doit d’abord procé­der à ce travail d’identification, au besoin en assis­tant le deman­deur, qui peut égale­ment préci­ser sa demande lors et au terme de la procé­dure de média­tion devant le PFPDT.

Recommandation PFPDT du 14 juillet 2021, Vincent Maitre et Olivier Feller c. OFSP

I. En fait

Le 8 décembre 2020, les Conseillers natio­naux Maitre et Feller exercent un droit d’accès aux docu­ments offi­ciels (art. 6 LTrans) auprès de l’Office fédé­ral de la santé publique (OFSP) portant sur 1) le contrat de livrai­son de données entre SASIS SA et l’OFSP, y compris la rému­né­ra­tion, et 2) les hypo­thèses et prévi­sions rete­nues par les assu­reurs-mala­die pour fixer les primes 2019, 2020 et 2021, étant entendu que l’OFSP véri­fie la plau­si­bi­lité et la léga­lité desdites hypo­thèses et prévi­sions. SASIS SA est une entre­prise liée à l’OFSP par un contrat de livrai­son de données récol­tée auprès de tous assureurs-maladie.

Faisant droit à la demande concer­nant le premier docu­ment sous réserve des données person­nelles qui ne sont pas commu­ni­quées, l’OFSP refuse la seconde au motif du volume extra­or­di­nai­re­ment impor­tant d’informations requises et des secrets d’affaires des assu­reurs concer­nés (art. 7 al. 1 let. g LTrans). Les deman­deurs contestent la déci­sion de l’OFSP sur ce dernier point en dépo­sant une demande de média­tion devant le PFPDT (art. 13 LTrans).

Au terme d’une séance de média­tion qui n’aboutit pas, les deman­deurs précisent leur demande, en indi­quant vouloir obte­nir des infor­ma­tions sur la surveillance de l’OFSP vis-à-vis des assu­reurs, et non sur ces derniers. Leur demande vise ainsi l’obtention des éléments factuels et conjonc­tu­rels permet­tant à l’OFSP d’évaluer leurs hypo­thèses et prévi­sions et, ainsi, avali­ser les primes. Le PFPDT rend ensuite une recom­man­da­tion au sens de l’art. 14 LTrans le 14 juillet 2021

II. En droit

En se réfé­rant à la juris­pru­dence, le PFPDT rappelle que toute personne exer­çant le droit à l’accès aux docu­ments offi­ciels peut, en tout temps, restreindre ou préci­ser l’objet de la procé­dure de média­tion par rapport à la demande d’accès. À cet égard, il constate que l’objet de la demande était très vaste, mais qu’il a été restreint dans ce cadre par les deman­deurs. Dès lors, la procé­dure ne porte désor­mais plus que sur les infor­ma­tions requises lors de la séance de médiation.

Pour trai­ter de la demande qui ne porte pas sur un docu­ment précis, le PFPDT se réfère à la défi­ni­tion du « docu­ment offi­ciel » décou­lant de l’art. 5 al. 1 LTrans, aux termes duquel il s’agit d’une « infor­ma­tion », déte­nue par une auto­rité, car elle émane de cette dernière ou car elle lui a été commu­ni­quée, (let. b) qui doit en outre concer­ner l’accomplissement d’une tâche publique (et. c) et, préa­la­ble­ment à la demande, avoir « été enregistré[e] sur un quel­conque support » (al. 1 let. a).

Ni la demande d’accès ni la procé­dure à ce stade ne porte sur un docu­ment précis. Tout au plus les deman­deurs se sont-ils réfé­rés à l’avis du Conseil fédé­ral au sujet de la motion 20.4199 et selon lequel l’OFSP exerce une surveillance en véri­fiant la « plau­si­bi­lité » des hypo­thèses et des prévi­sions des assureurs.

Le PFPDT inter­prète alors l’art. 5 al. 1 LTrans en ce sens que le docu­ment offi­ciel requis par la demande d’accès doit, d’une part, avoir « un contenu infor­ma­tion­nel » et, d’autre part, « évidem­ment déjà exis­ter ». De ce fait, le prin­cipe de trans­pa­rence ne saurait contraindre l’administration à créer un docu­ment qui n’existe pas et, corol­lai­re­ment, le droit d’accès ne saurait porter sur un tel objet. Un parti­cu­lier ne peut donc pas exiger de l’administration qu’elle établisse une note de synthèse sur un sujet donné (FF 2003 1807, 1834). À la lumière de l’art. 5 al. 2 LTrans, une excep­tion est admise pour les docu­ments qui « n’existent que virtuel­le­ment » et pouvant être « aisé­ment obte­nus » par une mani­pu­la­tion infor­ma­tique « simple » sur la base d’« infor­ma­tions enre­gis­trées satis­fai­sant aux condi­tions énon­cées à l’al. 1, let. b et c ».

En vertu de l’art. 3 al. 1 OTrans, l’autorité est en parti­cu­lier tenue d’assister tout deman­deur dans ses démarches. Pour ce faire, elle peut lui remettre « un extrait [du] gestion­naire élec­tro­nique de docu­ments » ou une liste des docu­ments dispo­nibles, afin de permettre que l’objet de la demande soit précisé (OFJ, FAQ Mise en œuvre de la trans­pa­rence dans l’administration fédé­rale, 7.8.2013, 34 s.).

Au vu de ce qui précède, le PFPDT recom­mande à l’OFSP de déter­mi­ner s’il existe des docu­ments répon­dant à la demande d’accès telle que préci­sée par les recou­rants, de les iden­ti­fier et, le cas échéant, d’accorder au recou­rant l’accès à ceux-ci. L’accès octroyé tient compte des dispo­si­tions perti­nentes de la LTrans et du prin­cipe de proportionnalité.

Si de tels docu­ments devaient ne pas exis­ter, l’OFSP devrait égale­ment déter­mi­ner si un docu­ment physique pour­rait être généré au biais d’un trai­te­ment infor­ma­tisé simple.

III. Commentaire

Cette recom­man­da­tion n’est que la première étape de ce qui s’annonce être un long bras de fer. D’une part, l’OFSP a d’emblée opposé une résis­tance de prin­cipe sans trai­ter le fond de la demande et les excep­tions pouvant décou­ler de l’art. 7 LTrans. D’autre part, les deux deman­deurs et poli­ti­ciens font de la trans­pa­rence des primes un cheval de bataille poli­tique (pour le Conseiller natio­nal Maitre, voir : inter­pel­la­tions 20.4013 et 21.3070 et motion 21.3779 ; pour le Conseiller natio­nal Feller, voir : motions 20.4199 et 21.3780, inter­pel­la­tions 21.3071 et 21.3782 et ques­tion 1.7875).

L’opacité du calcul des primes est poin­tée du doigt année après année, provoque l’incompréhension et sème le doute au sein de la popu­la­tion en ce qui concerne le bon fonc­tion­ne­ment de l’assurance-maladie obli­ga­toire. Les coûts de la santé repré­sentent d’ailleurs l’une des premières préoc­cu­pa­tions des Suisses. La volonté de renfor­cer la trans­pa­rence en la matière appa­raît aujourd’hui plus que jamais vitale.

Si une demande d’accès dans le cadre de la présente affaire ne devait pas abou­tir et ne pas permettre de faire la lumière sur les bases essen­tielles déter­mi­nant le coût des primes, alors une action poli­tique prenant la forme d’une modi­fi­ca­tion légis­la­tive devrait sérieu­se­ment être envisagée.

Trois points méritent d’être soule­vés au regard de la présente recom­man­da­tion dont le résul­tat doit être approuvé.

Premièrement, la recom­man­da­tion a pour consé­quence pratique d’obliger toute auto­rité saisie d’une demande d’accès à des docu­ments offi­ciels suscep­tible de porter sur de très nombreux docu­ments d’identifier s’il existe des docu­ments permet­tant de répondre à la demande. De façon bien­ve­nue au regard du prin­cipe de la trans­pa­rence, l’administration ne saurait en effet reje­ter une demande vaste pour ce motif, un émolu­ment pouvant être perçu si la demande occa­sionne des frais (art. 17 LTrans cum Annexe 1 OTrans). Comme le rappelle le PFPDT, elle est tenue à une obli­ga­tion d’assistance (art. 3 al. 1 OTrans). Lorsque le deman­deur soup­çonne l’existence de docu­ments que l’administration conteste, le PFPDT, respec­ti­ve­ment l’autorité de recours saisie, est égale­ment tenu de prendre les mesures d’instruction néces­saires, sans se limi­ter à prendre acte de la décla­ra­tion de l’administration, pour « mettre en balance la vrai­sem­blance et le sérieux des allé­ga­tions du deman­deur et de l’administration » (FF 2003 1807, 1835).

Deuxièmement, dans son dispo­si­tif, le PFPDT a recom­mandé l’accès aux docu­ments, par hypo­thèse iden­ti­fiés par l’OFSP, « en tenant compte des dispo­si­tions perti­nentes de la Loi sur la trans­pa­rence et du prin­cipe de la propor­tion­na­lité ». Cela signi­fie-t-il un octroi aux docu­ments sans préju­dice des excep­tions de l’art. 7 LTrans qui pour­raient encore être invo­quées par l’OFSP ? Tel ne peut être le cas à la lumière de la juris­pru­dence du Tribunal admi­nis­tra­tif fédé­ral et des prin­cipes inter­pré­ta­tifs qu’il a déga­gés pour les recom­man­da­tions du Préposé (cf. arrêt TAF A‑3215/​2020 du 7.12.2020, commenté in : swiss​pri​vacy​.law/52). Ainsi, l’OFSP est tenue d’accorder l’accès aux docu­ments offi­ciels iden­ti­fiés, cas échéant en anony­mi­sant les données person­nelles qui y figurent et, s’il souhaite soule­ver l’une des excep­tions de l’art. 7 LTrans, il doit rendre une déci­sion au sens de l’art. 15 al. 2 LTrans sujette à recours devant le Tribunal admi­nis­tra­tif fédéral.

Dernièrement, au regard de l’exception mention­née par le PFPDT pour le docu­ment offi­ciel qui n’existerait pas, celui-ci a indé­nia­ble­ment à l’esprit le « docu­ment physique » par oppo­si­tion au « docu­ment virtuel ». Cela étant, il nous semble que cette excep­tion n’est pas unique, car il faudrait égale­ment réser­ver les situa­tions dans lesquelles l’administration est tenue de par la loi d’élaborer un docu­ment offi­ciel, mais ne l’a pas fait. Dans ce cas, la demande d’accès doit être satis­faite et l’autorité exécu­ter son obli­ga­tion légale en établis­sant ledit document.



Proposition de citation : Kastriot Lubishtani / Livio di Tria, La transparence face à l’opacité du calcul des primes d’assurance-maladie, 29 septembre 2021 in www.swissprivacy.law/92


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