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Transparence à géométrie variable : le malaise vaudois

Livio di Tria et Kastriot Lubishtani, le 23 mai 2025
Adoptée à l’unanimité, une motion du Grand Conseil vaudois demande au Conseil d’État de garan­tir expli­ci­te­ment l’accès des commis­sions de surveillance aux infor­ma­tions publiques obte­nues via la Loi vaudoise sur l’information.

Les commis­sions de surveillance du Grand Conseil vaudois n’en peuvent-elles plus d’apprendre dans les jour­naux ce qu’on leur cache en salle de commis­sion ? C’est ce qui semble ressor­tir d’une motion dépo­sée par le Député vaudois Kilian Duggan et consorts au nom de la Commission des finances et de la Commission de gestion, adop­tée à l’unanimité et trans­mise direc­te­ment au Conseil d’État.

Le texte dénonce une situa­tion où certaines infor­ma­tions, notam­ment en matière fiscale, sont trans­mises aux médias sur la base de la Loi vaudoise sur l’information (LInfo), alors que les organes parle­men­taires n’en ont jamais eu connais­sance. Pour les auteurs de la motion, cette « asymé­trie » sape la légi­ti­mité du contrôle démo­cra­tique : les élus qui surveillent l’État ne devraient pas être infor­més après coup, par voie de presse.

La motion exige donc une adap­ta­tion de la LInfo pour que les commis­sions concer­nées soient auto­ma­ti­que­ment mises au courant des demandes formu­lées et reçoivent à tout le moins les mêmes docu­ments que ceux trans­mis au public.

Selon nous, il faut saluer l’esprit de la motion qui traduit une volonté claire de renfor­cer les méca­nismes de contrôle démo­cra­tique. Toutefois, le choix de modi­fier la LInfo soulève une réserve importante.

À cet effet, il convient de rappe­ler que la LInfo consacre un droit à l’information pour l’ensemble des citoyens. En la modi­fiant pour créer un droit spéci­fique en faveur des commis­sions, on prend le risque de déna­tu­rer une légis­la­tion dont la portée univer­selle consti­tue préci­sé­ment sa force. Or, il ne s’agit pas ici de renfor­cer le prin­cipe de la trans­pa­rence, mais des instru­ments des organes parle­men­taires. C’est pour­quoi il serait plus cohé­rent, aussi bien d’un point de vue poli­tique que juri­dique et légis­tique, de cana­li­ser cette volonté poli­tique à travers des modi­fi­ca­tions ciblées de la régle­men­ta­tion parle­men­taire enca­drant les rela­tions entre l’administration canto­nale vaudoise et les organes de surveillance parlementaire.

Cela étant, cette motion consti­tue une occa­sion précieuse permet­tant d’enclencher une réflexion plus profonde sur la trans­pa­rence dans le canton de Vaud. Elle offre en effet un levier pour enga­ger une révi­sion de la LInfo, orien­tée vers une mise en œuvre intel­li­gente du prin­cipe dit « d’égalité en matière d’accès » qui implique qu’un docu­ment offi­ciel trans­mis à une personne devienne, de facto, acces­sible à tout un chacun.

Pour passer du prin­cipe à la pratique, l’administration canto­nale vaudoise devrait pouvoir s’appuyer sur des instru­ments concrets. Une base de données centra­li­sée consti­tue, à ce titre, une option parti­cu­liè­re­ment inté­res­sante. L’administration canto­nale vaudoise pour­rait ainsi tenir à dispo­si­tion une base de données publique recen­sant l’ensemble des docu­ments offi­ciels effec­ti­ve­ment commu­ni­qués. Ce système offri­rait une trans­pa­rence proac­tive, rédui­rait les trai­te­ments diffé­ren­ciés et la soula­ge­rait en évitant qu’elle ne doive trai­ter de demandes répé­tées. Des exemples existent déjà : l’Office fédé­ral de l’armement (arma­suisse), par exemple, publie systé­ma­ti­que­ment en ligne les docu­ments trans­mis dans le cadre de la LTrans. Le Conseil fédé­ral avait certes envi­sagé un dispo­si­tif analogue à l’échelle de l’administration fédé­rale, avant d’y renon­cer, invo­quant les ressources et les coûts élevés qu’un tel réper­toire centra­lisé repré­sen­te­rait (cf. www​.swiss​pri​vacy​.law/​114). Cet argu­ment, toute­fois, dissi­mule mal un manque de volonté poli­tique. À l’échelle de l’Union euro­péenne, la Commission euro­péenne démontre en effet qu’un tel système est non seule­ment envi­sa­geable, mais déjà opérationnel.

Cette logique de réper­toire central rejoint d’ailleurs une obli­ga­tion déjà inscrite, du moins en théo­rie, dans le droit vaudois. L’art. 13 RLinfo impose en effet aux services de l’administration canto­nale vaudoise de tenir une liste des types de docu­ments offi­ciels dont ils sont auteurs ou qu’ils détiennent. Cette liste doit en prin­cipe être publique, ce qui s’inscrit dans une approche de trans­pa­rence proac­tive. Le prin­ci­pal obstacle réside toute­fois dans la complexité de l’exercice : la notion de docu­ment offi­ciel est parti­cu­liè­re­ment large, ce qui rend diffi­ciles la construc­tion et la mise à jour d’une liste exhaus­tive et exploi­table. À notre connais­sance, et sauf erreur, il n’est d’ailleurs pas établi que cette obli­ga­tion soit effec­ti­ve­ment mise en œuvre de manière systé­ma­tique par les services de l’administration canto­nale vaudoise. Et pour cause, une telle obli­ga­tion, en l’état, appa­raît large­ment décon­nec­tée des réali­tés admi­nis­tra­tives et bien plus éner­gi­vore en termes de ressources qu’un réper­toire central fondé sur les docu­ments transmis.

Une piste pour concré­ti­ser cette idée consis­te­rait à modi­fier l’obligation prévue la régle­men­ta­tion pour impo­ser aux services de l’administration canto­nale vaudoise de signa­ler au Préposé vaudois à l’information chaque docu­ment offi­ciel trans­mis. Ce type de dispo­si­tif existe déjà dans d’autres domaines, notam­ment en matière de protec­tion des données, où la Préposée vaudoise à la protec­tion des données doit être infor­mée de la créa­tion de nouveaux fichiers (art. 20 al. 1 LPrD) ou rece­voir copie de certaines déci­sions (art. 22a al. 2 LPrD). Il appar­tien­drait alors au Préposé de publier ces docu­ments sur une plate­forme en ligne et d’en assu­rer la mise à jour, idéa­le­ment par une procé­dure auto­ma­ti­sée. Un tel système existe déjà dans le canton : la Préposée vaudoise à la protec­tion des données tient à jour la liste publique des instal­la­tions de camé­ras de vidéo­pro­tec­tion, sur la base des déci­sions qu’elle reçoit. Rien ne s’oppose à ce que la même logique soit appli­quée à la transparence.

Le Conseil d’État dispose aujourd’hui d’une réelle oppor­tu­nité : non seule­ment répondre à la motion adop­tée à l’unanimité par le Grand Conseil vaudois, mais surtout en faire le point de départ d’une réflexion plus large sur la trans­pa­rence dans le canton de Vaud. Ce débat ne doit pas, selon nous, se limi­ter à l’accès de certaines insti­tu­tions à certaines infor­ma­tions, mais s’inscrire dans une démarche plus systé­mique, fondée sur des méca­nismes de diffu­sion proac­tive, centra­li­sée et cohé­rente. Plus large­ment, il est regret­table que le débat sur la trans­pa­rence dans le canton de Vaud se déroule aujourd’hui sans élément concret pour en évaluer son fonc­tion­ne­ment. L’Autorité vaudoise de protec­tion des données et de droit à l’information n’a, en effet, plus publié de rapport d’activité depuis 2022, ce qui limite aussi la visi­bi­lité sur l’évolution des pratiques et des éven­tuelles diffi­cul­tés rencon­trées. Cette absence prive aujourd’hui le légis­la­teur d’un outil indis­pen­sable pour mener à bien une révi­sion adap­tée aux réali­tés du terrain.



Proposition de citation : Livio di Tria / Kastriot Lubishtani, Transparence à géométrie variable : le malaise vaudois, 23 mai 2025 in www.swissprivacy.law/354


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